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Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 245, décembre 2022, pp. 36-61.
Mots clés : Mobilité sociale, Inégalité, Enseignement supérieur, Diplôme, Emploi, Enquête, Fonction publique
L’appréciation de la mobilité sociale et de l’ouverture des élites en France se concentre habituellement sur l’accès des élèves de milieux populaires aux concours des grandes écoles les plus prestigieuses – et ce d’un point de vue politique et scientifique. On tend ainsi à négliger combien les inégalités se reconstituent une fois franchies les portes de ces établissements prestigieux. En analysant les devenirs professionnels des diplômé·es du supérieur français né·es entre 1918 et 1972 à partir de l’exploitation de la série des enquêtes Emploi de l’INSEE, nous proposons de nuancer l’idée selon laquelle l’accès aux grandes écoles serait la « voie royale » pour atteindre les positions supérieures de l’espace social français. Les analyses menées ici nous amènent à montrer combien la fonction publique a pu représenter un refuge pour les ancien·nes élèves de très grandes écoles issu·es de milieux populaires – et combien l’appétence pour le privé chez les ancien·nes élèves de grandes écoles est davantage le fait des élèves les mieux dotés socialement. Ce faisant, elles pointent l’heuristique du croisement entre deux champs sociologiques qui s’ignorent trop souvent encore : la sociologie de la mobilité sociale et la sociologie des élites.
À partir d’une enquête par entretien et observation menée auprès d’habitant·es du canton de Genève, en Suisse, cet article étudie le rôle de la musique dans la constitution d’un « pouvoir domestique masculin » et la manière dont ce pouvoir est modulé par la classe et la configuration conjugale. Une première partie révèle les modalités de la domestication de la musique selon le genre et la classe, et dégage trois logiques principales à travers lesquelles les hommes assoient la légitimité de leur pratique d’écoute et sa primauté sur celle de leur conjointe : la défense d’une « passion » pour la musique, la forte intensité de l’écoute (volume, fréquence, attention) et la mise en avant de compétences techniques. Une deuxième partie analyse ensuite la façon dont l’écoute musicale masculine contribue à l’exercice d’un contrôle sur l’organisation spatiale et sonore de la sphère domestique. L’article montre que l’appropriation masculine de l’espace domestique par la musique est plus marquée chez les classes supérieures et dans les couples hétérosexuels caractérisés par une forte distance sociale entre conjoints au profit des hommes.
Article de Jérôme Bourdieu, Sara Dezalay, Johan Heilbron, et al.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 243-244, septembre 2022, pp. 4-137.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Sciences humaines et sociales, Société, Idéologie, Sociologie, Recherche en sciences sociales, Approche historique, Autonomie, Enquête, Chercheur, Danemark, URSS, Grèce, Allemagne
Les sciences sociales sont attaquées ! Le ministre de la recherche en personne menace la sociologie et lance une grande inquisition contre l’"islamo-gauchisme" qui "gangrène" l’Université, un président de région veut couper des crédits à un institut d’études politiques, de grandes mobilisations s’élèvent contre le "wokisme"…
Enfin les sciences sociales retrouvent leur place en dissidence ! Enfin le pouvoir réagit ! Quel triomphe pour la sociologie !
Ce numéro revient sur les attaques dont la sociologie a récemment fait l’objet et montre qu’elles mettent en cause des acquis les plus élémentaires des sciences sociales, tout en revenant sur le paradoxe apparent de ces sciences sociales : toujours politiques parce qu’elles parlent du monde social, elles n’ont de force sociale que parce qu’elles se revendiquent de la science.
Une autre perspective s’ouvre alors qui fait de ces attaques contre les sciences sociales un objet d’analyse : comment expliquer sociologiquement les réticences à la sociologie ?
Article de Rébecca Lévy Guillain, Alix Sponton, Lucie Wicky
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 63, tome 2, avril-juin 2022, pp. 311-332.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Entretien, Distance, Méthodologie, Téléphone, Genre, Enquête, Sociologie, Télécommunication
La pandémie de la COVID-19 et la crise sanitaire et sociale qui en a découlé ont encouragé la conduite d’entretiens semi-directifs par téléphone ou par visioconférence. À partir de trois enquêtes réalisées par des jeunes femmes portant sur l’intime et ayant recours aux entretiens biographiques, cette note méthodologique examine les façons dont l’entretien à distance transforme la nature des matériaux collectés et recompose ce faisant le mode de production de connaissances sociologiques. Elle montre que le distanciel renouvelle les profils sociaux accessibles en ouvrant la voie à des configurations inédites. Elle donne également à voir les atouts de ce dispositif pour accéder à l’intériorité du sujet et souligne son potentiel dans les cas où des positions asymétriques entre enquêteur/rice et enquêté·e dans les rapports de pouvoir (en particulier de genre) sont susceptibles d’entraver la relation d’enquête, risquant dès lors d’appauvrir les connaissances produites.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 62-3/4, juillet-décembre 2021, pp. 481-515.
Mots clés : Enfance-Famille, Enquête, Mariage, PACS, Couple, Délai de réflexion, Sociologie
Dans les enquêtes par questionnaire, le recueil de dates donne souvent lieu à des réponses incomplètes ou qui occasionnent un certain délai de réflexion. Cet aspect est peu étudié par la démarche quantitative, qui vise avant tout à la production de données standardisées. À partir de la collecte des dates d’entrée dans un Pacs ou un mariage dans l’« Étude des parcours individuels et conjugaux » (« Épic ») (Ined-Insee, 2013-2014), qui comprenait un indicateur expérimental de spontanéité des réponses, cet article examine l’hypothèse selon laquelle les différentes manières de répondre à ces questions a une signification. Il montre que le fait de renseigner une date rapidement, avec un délai de réponse ou de manière partielle renvoie au sens que les individus donnent aux évènements qui s’y rattachent et à leur mise en scène. En retour, la spontanéité des réponses aux dates fournit un élément de compréhension de la signification sociale de ces évènements.
Les termes choisis pour évoquer l’épidémie de Covid-19 révèlent plusieurs types de rapport à cet évènement inscrit dans la durée : les représentations changent selon le genre, l’âge, le diplôme, la catégorie socioprofessionnelle, et selon la position dans la sphère domestique et la confrontation directe à la maladie. À partir de l’exploitation statistique de réponses à une question ouverte posée lors de deux passations d’une enquête portant sur le coronavirus entre avril et juin 2020, sur un même panel, nous mettons en lumière deux rapports très différents à l’épidémie : une relation personnelle qui se rencontre davantage chez les femmes et consiste à appréhender les effets de la maladie à l’échelle de l’espace domestique ou de sa santé individuelle, et une relation politique, plus masculine, qui se situe à une échelle plus globale. Alors que la relation personnelle reste relativement stable, la relation politique est plus fluctuante, et fait l’objet de reformulations successives.
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 1 & 2, juin 2021, pp. 151-159.
Mots clés : Lien social-Précarité, Quartier, Banlieue, Enquête, Représentation sociale, Vie quotidienne, Espace, Émotion, Grenoble
En s’appuyant sur un récit de terrain restituant un moment d’échange entre l’ethnographe et une habitante d’un quartier de la Villeneuve de Grenoble, cet article soulève les réactions ambivalentes que suscite cette figure d’enquêteur, potentiel indésirable. Le contexte particulier de ce quartier, entre rénovation urbaine et enquêtes à répétition, influence et prédispose la perception de cette présence qui vient perturber et dérégler le déroulement ordinaire de la vie. À travers les notions d’habituation aux ambiances, de trouble et d’évitement, l’auteure explore les affects négatifs que peuvent générer les interactions entre enquêteurs et habitants. L’article montre que la conjonction entre des épreuves du passé, l’inquiétude du présent et l’anticipation de ce qui pourrait se produire génère une hypervigilance des habitants vis-à-vis des ambiances de leur espace de vie. Pour ces habitants sur le qui-vive, il y a toujours la possibilité que l’ambiance recherchée se teinte subitement de quelque chose de désagréable, ces affects négatifs troublant alors tant l’ordre interactionnel que la conduite ordinaire des activités.
- Santé critique : Inégalités sociales et rapports de domination dans le champ de la santé / Maud Gelly, Audrey Mariette, Laure Pitti
- Valeur sociale des patient·e·s et différenciations des pratiques des médecins : Redécouvrir les enquêtes de Glaser & Strauss, Sudnow et Roth / Anne Paillet
- Grossesses sous contraintes : L’invisibilisation des inégalités sociales de santé dans les procès de néonaticide / Julie Ancian
- Une attention aux « démunis » aveugle au genre : Les juges face aux accidents du travail / Delphine Serre
- Enquête dans deux maternités de la bourgeoisie : ériger des biens ordinaires en biens rares / Maud Gelly, Paula Cristofalo, Clélia Gasquet-Blanchard
- Cahier de luttes : L’urgence de se faire entendre / Collectif inter-urgences
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 3 & 4, automne 2020, pp. 9-29.
Mots clés : Travail-Emploi, Conditions de travail, Aménagement du temps, Durée du travail, Enquête, Catégorie socioprofessionnelle, Genre, Salarié, Santé, Vie privée
L’articulation des temps sociaux est surtout approchée par la notion de « conciliation travail-famille », en réduisant parfois les enjeux à des stratégies individuelles optimisables. À l’inverse, cet article se propose d’aborder la question depuis une perspective macrosociale, afin de saisir les temporalités sociales dans leur complexité en employant une lecture en miroir des temporalités de travail salarié, et d’analyser leur articulation avec le vécu hors emploi. À l’appui d’une analyse géométrique des données de l’enquête Parlons Travail, nous présentons comment, en fonction de la marge de manœuvre temporelle et de l’intensité horaire, les configurations d’articulation varient et comment elles influencent le vécu hors emploi ; et cela notamment en jouant un rôle dans la santé des travailleurs, montrant ainsi qu’il ne s’agit pas tout à fait d’un « conflit individuel » mais d’une problématique sociale, de laquelle découlent non seulement des inégalités de genre et de classe, mais aussi des conséquences jusqu’à présent plus invisibles et qui transforment les conditions de vie dans la sphère privée.
Article de Pascal Barbier, Myriam Chatot, Bernard Fusulier, et al.
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 3 & 4, automne 2020, pp. 94-113.
Mots clés : Travail-Emploi, Enfance-Famille, Sociologie, Enquête, Épidémie, Vie quotidienne, Conditions de vie, Bien-être, Famille, Conditions de travail, Relation familiale, Genre, Aménagement du temps, Inégalité
De mars à juin 2020, du début du confinement aux premières phases de déconfinement, un collectif de sociologues a suivi dix-huit familles françaises lors de télé-entretiens réguliers, afin de comprendre les vécus de cette situation inédite et la manière dont ces familles ont réorganisé leurs activités alors qu’elles étaient repliées dans un seul espace : le lieu de résidence. Les auteur·e·s distinguent trois rapports au confinement (heureux, malheureux et mitigé), et observent que si les conditions matérielles d’existence jouent un rôle déterminant dans l’expérience du confinement, elles ne suffisent pas à elles seules à expliquer sa tonalité générale. La répartition sexuée des tâches, l’autonomie dans l’organisation de l’activité professionnelle, et plus globalement le degré de maîtrise de l’emploi du temps, sont des dimensions structurantes de cette expérience, tout comme la place accordée à la vie familiale dans le projet de vie des personnes et des couples.
Article de Diane Gabrielle Tremblay, Sophie Mathieu
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 3 & 4, automne 2020, pp. 75-93.
Mots clés : Travail-Emploi, Enfance-Famille, Organisation du travail, Épidémie, Évolution, Télétravail, Travail, Famille, Salarié, Employeur, Genre, Conditions de travail, Productivité, Enquête, Québec
Au Québec, le contexte de pandémie de Covid-19 s’est traduit par des transformations radicales de l’organisation du travail. On est passé d’un taux d’environ 15 % d’organisations proposant le télétravail à 40 % en mai 2020. Comment les parents ont-ils vécu leur situation de conciliation travail-famille dans cette province où promor ? Comment les employeurs se sont-ils comportés face à leurs salariés en situation de télétravail ? Est-ce que le soutien organisationnel offert, en termes de réduction des attentes et du niveau de compréhension de l’employeur, est différent selon le genre, le type d’organisation et la catégorie d’emploi ? Afin de répondre à ces questions, nous analysons les données d’une enquête effectuée en mai 2020 auprès de 2 293 travailleurs québécois qui ont des enfants.
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 3 & 4, automne 2020, pp. 45-58.
Mots clés : Ecole-Enseignement, Enseignement supérieur, Élève, Enquête, Aménagement du temps, Activité, Implication personnelle
Dans cet article sont examinées les normes d’emploi du temps dans les classes préparatoires scientifiques aux grandes écoles, et à l’entrée dans une grande école d’ingénieurs. Les données ont été collectées au cours d’une enquête ethnographique de quatre ans au sein de la communauté des élèves de l’École Centrale Paris (ECP). Si les activités des élèves changent entre les classes préparatoires et la grande école, certaines normes temporelles persistent : dans les deux cas, il leur est demandé d’avoir un usage rationalisé, intensif et maîtrisé de leur temps, en l’assignant à certaines activités. Ce qui change est la forme que cela prend. En classe préparatoire, il est enjoint aux élèves de consacrer leur temps au scolaire ; en grande école existent des injonctions à s’engager, en plus des activités scolaires, dans les activités associatives de l’école.
Article de Thibaut Hebert, Mickaël Vigne, Eric Dugas
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 44, n° 3, septembre 2020, pp. 484-511.
Mots clés : Ecole-Enseignement, Jeu, Risque, Conduite à risque, Collège, Aménagement de l'espace, Enquête, Agression
L’objet de cet article est de questionner l’aménagement des espaces scolaires dans une quête de prévention des conduites à risque tels que les jeux dangereux. Sur les 10080 collégiens interrogés, nous avons analysé les réponses des 2850 élèves ayant déclaré avoir pratiqué au moins une fois un jeu dangereux. Les résultats révèlent en premier lieu que la cour de récréation, malgré la présence des adultes, fait figure de terrain idéal à la pratique des jeux dangereux. En second lieu, les espaces interstitiels se distinguent par une surreprésentation des jeux à valence agressive. Cette étude confirme alors que le type d’architecture valorisé dans les collèges français conjugué à des aménagements succincts favorisent certains types de jeu.
À partir d’une enquête sur plusieurs spectacles de Dieudonné, cet article analyse l’articulation entre l’antisémitisme et une critique réactionnaire des sociétés occidentales centrée sur la disparition des normes hétérosexuelles. Nous montrons que l’adhésion à cette articulation est d’autant plus forte qu’elle s’exprime dans l’espace-temps des représentations publiques, où Dieudonné met en scène sa stigmatisation tout autant qu’il la transcende. Dans l’interaction avec un public se sentant également stigmatisé, se constitue ainsi une « communauté déviante », à travers la transgression d’« interdits » perçus comme participant de l’effondrement moral des sociétés occidentales.
Des séminaires interdisciplinaires réunissent, depuis 2006, à l’initiative de la Haute École Léonard de Vinci (Bruxelles, Belgique), des étudiants de 3e année en soins infirmiers et des étudiants de 5e année en médecine. L’objectif est d’encourager ces étudiants au processus de délibération éthique, tout en déconstruisant les stéréotypes véhiculés entre disciplines. Les résultats issus des autoévaluations mises en place chaque année montrent que les bénéfices de ce dispositif sont multiples : démystification du rôle du médecin par les étudiants infirmiers, renforcement de l’identité infirmière, reconnaissance par les étudiants en médecine des difficultés vécues par les infirmiers, identification de la complexité d’une situation éthique, perception de la richesse de combiner les perspectives, et appropriation d’outils pour faciliter la collaboration interdisciplinaire – et plus particulièrement le processus de prise de décision éthique clinique.
L’article présenté expose et interroge la mécanique d’une recherche-action menée de mai 2017 à juin 2018 à la Haute École Léonard de Vinci (Bruxelles, Belgique). Il revient d’abord sur la thématique de cette recherche – et, pour ce faire, sur la spécificité de la demande initiale émise par la direction de l’institut nous sollicitant – ainsi que sur le contexte sociétal dans lequel le projet de formation que celle-ci défend s’inscrit. Ensuite, l’article reprend les définitions de la rechercheaction, mises en perspective avec le processus implémenté et les résultats obtenus. Enfin, la conclusion revient sur notre appropriation de la méthode de la rechercheaction et met en évidence sa fécondité pour l’élaboration de nouveaux cours de l’enseignement supérieur non universitaire.
Paru dans la revue Les Politiques sociales, n° 1 & 2, juin 2020, pp. 31-42.
Mots clés : Action sociale : histoire et perspectives, Enquête, Sport, Équipe, Anthropologie, Secret, Posture professionnelle, Amitié
Cet article est basé sur une expérience de recherche ethnographique dans un milieu caractérisé par le familier et le proche, où le « vivre ensemble » communautaire régit les sociabilités. À travers un certain nombre d’exemples, les enjeux méthodologiques liés à une forte proximité entre membres d’une association et chercheur·e·s sont discutés. Y sont soulevées également les interrogations quant au statut accordé à des données sensibles, comme les confidences ou les médisances. Que faire des « commérages », des manifestations d’inimitié, notamment lorsqu’ils arrivent aux oreilles des chercheur·e·s ? Cet article permettra d’ouvrir la discussion sur la posture des chercheur·e·s et ses conséquences sur les résultats de leur recherche.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 44, n° 1, mars 2020, pp. 11-48.
Mots clés : Lien social-Précarité, Discrimination, Ethnie, Insulte, Enquête, Sociologie, Statut social, Victime, Interaction, Analyse de contenu
Cet article propose un ensemble de résultats et de méthodes portant sur l’exploitation des injures telles qu’elles sont reportées dans les données de « Cadre de Vie et Sécurité » (CVS), enquête annuelle française portant sur la victimation. Une large part du document est consacrée au traitement effectué sur cette source textuelle. L’article s’attache ensuite à explorer la nature des injures en fonction des caractéristiques des victimes. Le rôle de la saillance des traits ethniques est ensuite abordé à travers une méthode de détection originale. Notre principal résultat est que la saillance du critère ethnique n’est pas directe et apparaît dépendante du statut social de la victime.
Article de Laurent Mucchielli, Grégory Salle, Sylvain Barone, et al.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 43, n° 4, décembre 2019, pp. 469-623.
Mots clés : Justice-Délinquance, Environnement, Criminalité, Pollution, Sociologie, Justice, Droit pénal, Maladie professionnelle, Risque professionnel, Victime, Travail, Sanction pénale, Responsabilité, Enquête, Milieu naturel, Commerce, Illégalité, Recherche en sciences sociales, Délinquance, Délit, Culture, France, Italie, Espagne, Mexique, Afrique, Asie
Les problèmes soulevés dans ce numéro spécial font écho aux débats qui occupent la sociologie du crime et la criminologie critique anglophone depuis près d’une trentaine d’années. Ils commencent seulement à faire l’objet d’investigations en France, où l’on peine à sortir d’une phase où les « scandales » politico-médiatiques tendent probablement à polariser des attitudes opposées de dramatisation et d’euphémisation...
Article de Joanie Cayouette Rembliere, Mathieu Ichou
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 60-3, juillet-septembre 2019, pp. 385-427.
Mots clés : Sociologie, Enquête, Famille, Classe, Méthodologie, Analyse multivariée
Cet article propose une approche originale pour appréhender la position sociale des ménages, susceptible d'améliorer la description et l'explication sociologiques de nombreux objets d'étude. Cette approche configurationnelle, qui repose sur l'usage successif d'analyse géométrique des données et de classifications, permet de prendre en compte à la fois plusieurs membres d'un ménage et plusieurs dimensions de la stratification sociale. Elle est appliquée à deux enquêtes nationales représentatives : « Trajectoires et origines » (TeO, Ined/Insee, 2008) et le « Panel d'élèves entrant dans le secondaire en 2007 » (DEPP-MEN). En plus des variables classiques comme la profession ou le niveau d'éducation, les configurations construites mettent en évidence le poids des variables résidentielles, ainsi que le rôle de la situation familiale et de l'origine migratoire dans la différentiation sociale des ménages. Pour finir, l'article démontre que les configurations ont un pouvoir explicatif supérieur à celui des approches classiques de la position sociale
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 23, automne 2019, n.p. n.p..
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Protection de l'enfance, AEMO, Fin de la prise en charge, Responsabilité, Empowerment, Enquête, Auvergne Rhône Alpes
Notre recherche a porté sur une association qui exerce des mesures d’aide éducative en milieu ouvert. Elle proposait d’étudier comment s’opèrent des processus de traduction de la demande des usagers à cet échelon de mise en œuvre des politiques sociales en s’inspirant des travaux sur le non-recours au droit.
L’article présente un aspect pointé comme problématique par les professionnels : des décisions de « mainlevée » prises dans des situations où « on ne sait plus quoi faire ». Alors que la mainlevée devrait être prononcée quand il n’y a plus besoin de protection ou plus de demande d’aide, ici elle signerait le renoncement à accompagner et permettrait de ne plus engager de moyens face à un constat d’impuissance. Ces situations paraissent révélatrices des tensions entre l’injonction à « faire avec » les familles, le souci de protection des enfants et les difficultés à mobiliser les bonnes ressources au bon moment. Un cas est alors examiné en détail : l’article décrit par quelles (dis)qualifications les acteurs éducatifs passent et conduisent ainsi à pointer l’incapacité et à responsabiliser les seuls parents.
Or, la reconstitution chronologique du dossier montre des moments d’accélération ou de césure du suivi et fait apparaître que chacun des acteurs (parents, enfants, éducatrices, juges) a été tour à tour capable ou incapable d’agir selon les cadrages et recadrages de la situation. La responsabilité et la capacité d’agir apparaissent dès lors distribuées entre les acteurs et plus largement entre les actants (rapports, ordonnance, temps de travail, couteaux, institutions, partenaires, territoire… ; ce qu’il conviendrait de mieux reconnaître : d’une part en laissant davantage ouverts les échanges dans un travail « pour autrui » inspiré du care ; d’autre part en développant effectivement un travail communautaire « capacitant ».
Article de Julie Alev Dilmac, Giorgia Macilotti, Marion Desfachelles, et al.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 43, n° 3, septembre 2019, pp. 293-420.
Mots clés : Justice-Délinquance, Harcèlement moral, Internet, Technologie numérique, École, Adolescent, Recherche en sciences sociales, Enquête, Image, Vie privée, Image de soi, Intimité, Sexualité, Haine, Maltraitance psychologique, Prévention
Dans ce dossier thématique, il sera essentiellement question de « cyberhumiliation », terme désignant les attaques virtuelles par l’image et de l’image d’une personne sur Internet, attaques ayant pour but de remettre en question la réputation de la victime (Dilmaç, 2017). Privilégier le thème de la « cyberhumiliation » à celui du « cyberharcèlement » (terme plus communément usité dans la littérature scientifique) a pour avantage d’englober toutes les formes de vexation visibles sur la Toile, et non seulement de s’attacher aux agressions caractérisées par leur répétitivité, redondance qui viendrait renforcer l’aspect humiliant de l’acte.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 228, juin 2019, pp. 56-75.
Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Quartier, Socialisation, Mobilité sociale, Identité culturelle, Sport de combat, Enquête, Analyse comparative, Ethnométhodologie, Violence, Corps, Santé, Etats Unis d'Amérique, France
À partir d’une enquête ethnographique dans deux salles de boxe situées dans des quartiers populaires en France et aux États-Unis, cet article montre en quoi la socialisation à la boxe relève d’une transmission de capital culturel. La proximité sociale entre entraîneurs et boxeurs facilite le travail de socialisation de ces derniers qui s’engagent dans une transformation de soi indissociablement corporelle et culturelle. En retour, l’accumulation de capital culturel produit des effets différenciés sur les espaces sociaux étudiés. L’ethnographie comparée met en lumière des points de convergence et de divergence dans les principes constitutifs de la stratification sociale des jeunesses populaires racisées en France et aux États-Unis. L’analyse du processus d’accumulation du capital culturel montre en quoi les destins sociaux possibles divergent pour les boxeurs aux États-Unis et en France : pour les premiers, ce processus ouvre davantage d’espoir de mobilité sociale et résidentielle ; pour les seconds, il donne plus accès à des statuts locaux.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 228, juin 2019, pp. 4-28.
Mots clés : Immigration-Interculturalité, Immigré, Personne issue de l'immigration, Représentation sociale, Enquête, Classe sociale, Bidonville, Mobilité sociale, Racisme, Portugal, Champigny
Peu étudiés, les immigrés et descendants d’immigrés portugais occupent une position originale dans les dynamiques de stratification en France. Disposant de capitaux économiques, ils accèdent plus rarement aux positions les plus dominantes sur les marchés des titres scolaires et de l’emploi. À partir d’une enquête par entretiens, observations, archives et statistiques, l’article décrit les trajectoires socio-résidentielles de ce groupe afin de saisir les processus de racialisation ainsi que les hiérarchies auxquelles ils contribuent, relativement à d’autres groupes issus de l’immigration. À ces fins, la catégorie de "Blanc honoraire", créée dans le contexte étasunien, est employée pour rendre compte de l’importance des groupes intermédiaires dans les hiérarchies ethno-raciales. Cette catégorie permet de saisir tant le privilège dont bénéficient les personnes d’origine portugaise relativement aux minorités coloniales et postcoloniales que le caractère ambigu et précaire de ce privilège. Pour être effectif, ce dernier suppose en effet l’adhésion et la reproduction des attentes du groupe dominant, notamment en ce qui concerne le fait de se distinguer de groupes stigmatisés. L’étude de la façon dont ce privilège a été en partie construit par les politiques de l’immigration et de l’habitat précaire dans l’après-guerre montre également combien la racialisation est loin d’avoir été linéaire et uniforme. Ce processus a créé des conditions de socialisation congruentes avec certaines aspirations migratoires des familles dans les bidonvilles, ce qui a durablement structuré les trajectoires et les manières de se positionner des personnes qui y ont grandi.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 21, automne 2018, 22 p..
Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Travailleur social, Usure professionnelle, Émotion, Motivation, Distance, Enquête
L’épuisement professionnel est une thématique largement commentée et qui peut concerner l’ensemble des individus au travail. Mais un travail, avec une demande émotionnelle est un facteur qui majore le risque d’épuisement. De ce fait, le travail social est concerné par le travail émotionnel. En effet, ces professionnel(le)s réalisent des missions variées, mais quelles que soient celles-ci, elles impliquent de gérer les émotions. Les travailleurs sociaux font face, au quotidien, à des situations difficiles avec des publics vulnérables, qui ont des impacts dans leur vie au travail. Dans cette étude, nous avons évalué l’épuisement émotionnel, la dissonance émotionnelle, ainsi que la dépersonnalisation et le désengagement au sein d’un échantillon de travailleurs sociaux (N =116). Les résultats mettent en évidence le rôle de la dépersonnalisation et du désengagement sur l’épuisement émotionnel et la dissonance émotionnelle chez les travailleurs sociaux. Une tendance se dessine qui ferait de la dépersonnalisation et du désengagement, deux dimensions antagonistes agissant sur l’épuisement émotionnel pour cet échantillon de travailleur sociaux.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 59-4, octobre-décembre 2018, pp. 677-705.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Violence, Genre, Homosexualité, Identité sexuelle, TRANSSEXUALISME, Enquête, Groupe d'appartenance
Cet article porte sur les critiques d’une enquête statistique sur les violences de genre subies par les lesbiennes, gays, bisexuel·le·s et trans (LGBT). Au cours de la collecte et dans le questionnaire, des répondant·e·s ont jugé l’enregistrement du genre et de la sexualité problématique, en particulier lorsque ces personnes refusaient de se définir comme femme ou homme, bisexuelle ou homosexuelle, ou se disaient « non-binaires ». Minoritaires, ces critiques ont l’intérêt de mettre en cause le cadre de cette enquête sur les violences, elle-même dénoncée comme violente. L’article distingue deux registres de critique, l’un se donnant pour but la reconnaissance d’identifications minoritaires, l’autre questionnant la catégorisation en tant que telle. Les répondant·e·s critiques sont plus jeunes, plus souvent des femmes, s’identifient plus souvent comme bisexuel·le·s et sont parfois en situation de déclassement. Les critiques peuvent être conçues comme l’expression d’une indétermination à la fois vécue et revendiquée, elles sont portées par des personnes d’autant plus disposées à refuser les assignations dominantes du genre et de la sexualité que celles-ci sont pour elles moins pertinentes et moins pesantes.
Le viol est une atteinte qui présente une particularité très intéressante pour la recherche dans la mesure où il s’agit de l’infraction sexuelle la plus grave et la plus traumatisante pour la victime, mais pour autant, du crime le moins rapporté aux autorités. Réalisée à partir de l’enquête de victimation française, cette étude a pour objectif d’apporter des éléments d’explication sur la décision de déposer plainte ou non à la suite d’un viol. Des analyses en régression logistique ont notamment permis de révéler que les déterminants du dépôt de plainte pour un viol hors ménage pouvaient être différents de ceux pour l’intra-ménage.
Article de Gilles Bastin, Paola Tubaro, Marie Bergström, et al.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 59, n° 3, juillet-septembre 2018, pp. 373-506.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Technologie numérique, Technologie de l'information et de la communication, Sciences humaines et sociales, Enquête, Méthode quantitative, Conjoint, Âge, Opinion publique, Internet
Le parti pris de ce dossier est de mettre en avant des travaux qui interrogent les effets sociaux et les implications scientifiques des "Big data" à partir d'expériences concrètes de recherche.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 220, décembre 2017, pp. 4-25.
Mots clés : Travail-Emploi, Temps, Travail, École, Rythme scolaire, Conditions de travail, Enquête, Bénévolat
À partir d’une enquête menée en région parisienne et dans une commune rurale, cet article, à distance du problème social des « rythmes scolaires et biologiques de l’enfant », prend pour objet la transformation des rythmes professionnels induite et révélée par la réforme des rythmes scolaires de 2013. Polyvalence, travail gratuit et concurrence sont les thèmes récurrents des entretiens formels et des observations réalisés auprès des différents acteurs de la « communauté éducative » dont les territoires professionnels se redéfinissent. Avec des effets différenciés en fonction des différentes catégories de travailleurs éducatifs, une même logique de l’emploi semble s’imposer à tous, faite d’amplitude horaire et de morcellement, avec la prégnance des « heures » comme unité de temps débattue et ressentie par tous les professionnels. Ces résultats interpellent ainsi sur les effets d’une réforme, vus du côté des professionnels qui forment et encadrent les enfants.
La production d’une « noblesse scientifique », à travers les concours scientifiques de l’ENS, et, en amont, pendant les deux ou trois années de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) scientifiques, produit un ordre scolaire, non seulement social mais aussi sexué. Les mécanismes qui président au maintien de ces bastions de l’élitisme scolaire comme entre-soi bourgeois et masculin sont ici analysés à l’aune de la définition de l’excellence scolaire qui y a cours, à partir d’une enquête par questionnaire conduite auprès de 2 270 élèves de classes préparatoires scientifiques. Dans ces classes, les caractéristiques du bon élève de lycée ne constituent que des conditions nécessaires de la réussite scolaire, non des conditions suffisantes. Ces dernières sont alors à trouver dans un ensemble de qualités naturalisées esquissant une idéologie du don. Celle-ci se voit intériorisée par les élèves et l’urgence scolaire caractéristique des CPGE la justifie sous couvert de l’impliquer.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 41, n° 4, décembre 2017, pp. 511-540.
Mots clés : Toxicomanie-Addictions, Médicament, Psychotrope, Consommation, Sociologie, Risque, Motivation, Enquête, Représentation sociale, Anxiété, Stress, Trouble du sommeil, Travail scolaire, Créativité, Jeune, Typologie, Addiction
Cet article porte sur le détournement de médicaments psychotropes chez les jeunes. Il est issu d’une recherche conduite en 2015 et financée par l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies. Ces pratiques méritent d’être examinées dans un contexte de diffusion massive des produits médicamenteux et de trouble des frontières entre leurs fonctions thérapeutiques et leur mobilisation dans le cadre d’usages récréatifs, de pratiques dopantes ou de conduites addictives. S’agissant des jeunes en particulier, les fonctions attribuées à ces substances dans le cadre d’usages détournés demeurent très peu documentées alors que ces pratiques interviennent à un moment crucial de la formation personnelle. À partir d’une revue de la littérature internationale réunissant les connaissances actuellement disponibles et d’une enquête qualitative inédite conduite directement auprès de jeunes, l’article se penche sur ces conduites d’usages détournés de médicaments en les mettant en perspective avec les épreuves de la vie juvénile. Globalement, il s’agit de mieux comprendre quelle est l’expérience de ces jeunes qui font un usage détourné de médicaments et quelle est la dynamique de leurs trajectoires de consommation.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 18, printemps 2017.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Adolescent, Placement, Enquête, Participation, Méthodologie, Entretien, France, Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord
Les recherches auprès de jeunes en situation vulnérable montrent la difficulté de recueillir leur point de vue tout en respectant leur besoin de maîtriser l’image qu’ils rendent publique. En vue de concilier ces deux objectifs, un projet a été mené auprès de 16 jeunes âgés de 14 à 18 ans vivant en situation de placement en France et en Angleterre. Il avait pour objet, d’une part, d’explorer la vie quotidienne de ces jeunes telle qu’ils la vivent et décrivent eux-mêmes, et d’autre part, de développer des méthodes de recueil de données permettant aux jeunes participant-e-s un maximum de contrôle sur la situation d’enquête et le contenu de leurs témoignages. Dans ce but, trois supports d’entretien ont été utilisés : la cartographie, la visite guidée, et la photographie numérique. Cet article présente les principes et le déroulement de l’enquête, la diversité des données obtenues ainsi que leur apport pour une compréhension qualitative de la vie quotidienne des jeunes placés. Enfin, il s’agira d’interroger les limites et enjeux de ces méthodes aux plans éthique et méthodologique. À travers ces descriptions et analyses, l’article contribue à la réflexion sur des méthodes adaptées aux spécificités de la situation de jeunes vivant en placement, et plus largement sur les modalités d’implication des jeunes dans des recherches.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 18, printemps 2017.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Enfant des rues, Jeune, Récit de vie, Enquête, Méthodologie, Dakar, Bamako
Cet article vise à rendre compte de manière réflexive d’une expérience de recherche effectuée dans le cadre d’une thèse de doctorat en sciences de l’éducation portant sur le devenir social des enfants de la rue, placés ou non dans une institution sociale de sauvegarde dans deux agglomérations ouest-africaines : Dakar et Bamako. Les jeunes enquêtés, dans le cadre de la réalisation d’un Master (Dembélé, 2005), retrouvés par personne interposée, sont devenus des enquêteurs à la phase de la thèse. En effet, les jeunes enquêteurs sont invités à décliner le récit de leur propre vie avant de le demander aux enfants et jeunes auprès desquels ils enquêtent. Puis, il leur est demandé de transcrire les récits de vie et de procéder à leur mise en ordre chronologique en vue de les présenter à nouveau aux enfants et jeunes sujets-objet des récits de vie et de les amender éventuellement à l’issue du processus de retour sur soi. Par ces choix méthodologiques, les récits de vie de deux cents anciens enfants de la rue, devenus jeunes-adultes, ont été recueillis par vingt-cinq jeunes. Cette expérience de recherche donne lieu à une analyse à la fois théorique, méthodologique et épistémologique. Ce modèle de recherche interroge sur : quelle signification donnée à la parole de l’enfant et du jeune, recueillie et analysée par d’autres enfants et jeunes aux parcours de vie similaires ? Quels sont les avantages et les limites associés à une telle démarche d’enquête par immersion interposée impliquant les enfants et les jeunes ? Quelles précautions envisager pour surmonter les obstacles à la collecte des données empiriques par les jeunes eux-mêmes concernés par une étude quelconque ?
Article de Pierrine Robin, Marie Pierre Mackiewicz, Timo Ackermann
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 18, printemps 2017.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Protection de l'enfance, Adolescent, Recherche, Participation, Enquête, Allemagne, France
Cet article présente et compare deux dispositifs d’enquêtes participatifs « avec les pairs », mis en œuvre en Allemagne et en France avec des adolescents et des jeunes issus de la protection de l’enfance. L’un portait sur la participation des adolescents à leur prise en charge en foyer, l’autre sur le temps de la transition à l’âge adulte après une mesure de protection de l’enfance. Cet article vise à comprendre les effets des contextes nationaux et locaux sur la construction de ces dispositifs d’enquête. Mais surtout l’approche comparative peut permettre de mieux saisir les tensions et dilemmes à travailler dans les recherches collaboratives et les intérêts et les limites de ces approches dans le renouvellement des connaissances.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 18, printemps 2017.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Protection de l'enfance, Placement, Récit de vie, Enfant placé, Jeune en difficulté, Enquête, Méthodologie, Danemark
Comment enquêter sur les enfants et les adolescents en situation de vulnérabilité de manière à esquiver les représentations stéréotypées pour s'intéresser à la pluralité des cas individuels ? Le présent article tente de répondre à cette question en introduisant le concept de petits récits et la théorie du positionnement et en les appliquant à l’analyse de récits recueillis auprès des enquêtés pour tenter de rendre compte des diverses représentations de soi qui en émergent, même lorsque les propos semblent fragmentés, voire contradictoires. Il s'inspire d'une enquête qualitative réalisée dans le cadre d'un projet de recherche sur le travail social auprès d'enfants et d'adolescents en situation de vulnérabilité au Danemark. Sur la base d’entretiens et d’un travail d'observation, l’enquête examine la façon dont les notions de normalité, de singularité et de déviance sont construites et contestées dans les récits de treize enfants et de jeunes lorsque ceux-ci se racontent, évoquent leurs difficultés et leurs atouts ou ressources potentiels, ainsi que dans les récits les concernant recueillis auprès de leur entourage et des intervenants professionnels qui les encadrent ou les accompagnent. Après une présentation du concept de petits récits et de la théorie du positionnement, et aux fins d'illustrer et de démontrer la pertinence et l'utilité de ces notions, un exemple d’analyse est proposé à partir du cas de « Lisa », une jeune adolescente placée en famille d’accueil.
Cet article s’intéresse aux expertises médico-légales des victimes de violences sexuelles et aux relations entre les policiers demandeurs de ces rapports et les médecins légistes qui les rédigent. Notre analyse distingue deux situations : celles où le certificat médical fait état de constats de lésion, et celles où le certificat ne constate aucune lésion physique. Cette dernière situation met à l’épreuve les rapports entre policiers et médecins légistes, et montre que chacun des deux groupes professionnels entretient des rapports différents à la victime.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 41, n° 3, septembre 2017, pp. 447-505.
Mots clés : Travail-Emploi, Violence, Profession médicale, Victime, Enquête, Sociologie, Agressivité, Conflit, Soutien psychologique, Besoin, Demande, Établissement de santé, Profession paramédicale, Accompagnement, Risque professionnel, Nord
La réalisation d’une enquête de victimation, demandant à des professionnels de santé les violences qu’ils avaient subies, a permis de repérer les situations dans lesquelles elles s’inscrivent, à en définir les formes et la fréquence, ainsi que les enjeux. L’expérience de violence est étudiée à partir du vécu du professionnel qui est réinscrit dans les rapports sociaux de travail. L’analyse des données recueillies auprès de 444 soignants fait apparaître que les déclarations de victimation constituent non seulement la manifestation d’un vécu éprouvant mais qu’elles sont aussi expression d’une identité professionnelle et moyen pour peser sur les rapports sociaux au sein de l’organisation.
Article de Marielle Le Mener, Denis Meuret, Sophie Morlaix
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 58, n° 2, avril-juin 2017, pp. 207-232.
Mots clés : Ecole-Enseignement, Inégalité, École, Réussite scolaire, Catégorie socioprofessionnelle, Analyse comparative, Enquête, Niveau scolaire, Mathématiques, Père, Mère, Enseignant, Culture
L'ampleur considérable des inégalités sociales de performances scolaires interroge fortement l'équité de l'école. Nous cherchons, dans ce travail, à mettre en lumière les facteurs de l'accroissement récent de ces inégalités par le biais d'indicateurs disponibles dans les données des enquêtes PISA (2003 et 2012). Nous étudions d'abord l'évolution des différentes composantes de l'indicateur multicritère par lequel l'OCDE mesure le plus souvent le milieu social. Ensuite, nous modélisons, par une analyse en pistes causales, la décomposition de l'effet du statut professionnel des parents sur les performances afin de saisir par quoi il transite. Sont mobilisés des facteurs externes et des facteurs internes à l'école. Notre analyse souligne la responsabilité de l'école dans l'accroissement des inégalités scolaires dans le sens où l'école convertit, davantage qu'auparavant, des inégalités sociales qui, elles, ont peu évolué, en inégalités d'apprentissage. En témoignent, entre autres, le rôle de la ségrégation entre établissements ou encore de facteurs culturels, en particulier l'importance de la possession de livres au domicile familial.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 41, n° 2, juin 2017, pp. 273-304.
Mots clés : Jeunesse-Adolescence, Territoire-Logement, Jeune, Éducation populaire, Quartier, Politique de la ville, Enquête, Sociologie, Citoyenneté, Usager, Démocratie participative, Police, Élu local, Enfant de migrant, Discrimination, Précarité
Cet article est fondé sur les apports d’une enquête sociologique menée dans un quartier parisien intégré à la géographie prioritaire de la Politique de la ville. Les opérations d’éducation à la citoyenneté mises en œuvre dans ce contexte révèlent que celui-ci constitue à la fois, pour la jeunesse locale, une force de reconnaissance et une force de dénégation de « sa » diversité. Les interactions à l’œuvre lors de ces opérations entre participants et publics associatifs, élus et policiers sont observées. Ces observations montrent que la présente contradiction est liée à la coexistence de la diversité en tant qu’ensemble de caractéristiques et de pratiques sociales différenciées confirmées et renforcées par les associations – la « diversité sociale » – et de la diversité comme thématique politique mobilisée et mise en forme par les autorités locales – la « diversité politique ». Sur la base du lieu de résidence et de la couleur de peau, la « diversité politique » assigne ces jeunes des classes populaires à une unité « négative ».
Article de Claire Scodellaro, Jean Louis Pan Ké Shon, Stéphane Legleye
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 58-1, janvier-mars 2017, pp. 7-40.
Mots clés : Jeunesse-Adolescence, Santé mentale-Souffrance psychique, Trouble du comportement alimentaire, Anorexie, Boulimie, Santé mentale, Âge, Sexe, Classe sociale, Fille, Corps, Enquête, Estime de soi, Stress, Genre
Les troubles de santé mentale questionnent implicitement et de façon singulière les tensions du monde social. L'anorexie mentale et la boulimie, deux troubles du comportement alimentaire, sont appréhendées ici comme des révélateurs de tensions sociales touchant particulièrement des jeunes filles, et plus souvent de classes moyennes ou aisées. Pourquoi ces trois caractéristiques structurantes de la position sociale - sexe féminin, milieu aisé et "jeune" âge - , interprétables en termes de rapports sociaux, sont-elles étroitement imbriquées dans ces syndromes ? Leur configuration dans les troubles du comportement alimentaire est atypique parmi les inégalités d'état de santé qui se manifestent habituellement au détriment des populations modestes et âgées. L'examen sociologique de ces troubles du comportement alimentaire montre que leurs soubassements ne reposent pas sur une conformation excessive aux normes et aux valeurs attendues des jeunes filles des classes aisées, mais davantage sur un "usage pathologique" des normes d'excellence, en réponse aux tensions plus souvent rencontrées à cet âge.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 57-2, avril-juin 2016, pp. 241-268.
Mots clés : Ecole-Enseignement, Immigration-Interculturalité, Enfant de migrant, Immigré, Personne issue de l'immigration, Scolarité, Orientation scolaire, Enseignement supérieur, Histoire familiale, Enquête
Cette étude vise à renouveler la réflexion sur les aspirations scolaires des descendants d’immigrés en s’appuyant sur une description approfondie des configurations familiales et du cadre spatio-temporel dans lequel les individus ont migré. D’après l’enquête « Trajectoires et Origines » (Ined/INSEE, 2008) et à caractéristiques sociales et scolaires proches, les petits-enfants d’immigré.s scolarisés au lycée, majoritairement d’origine européenne, se caractérisent par une plus grande irrésolution que les enfants d’immigrés et les autres élèves face aux études longues. Nous montrons que les ressources liées à la position sociale des familles dans le pays d’origine rendent intelligibles les écarts observés entre enfants et petits-enfants d’immigré.s. La déception des parents de la deuxième génération quant à l’enseignement supérieur auquel beaucoup ont accédé à partir des années 1980 constitue par ailleurs une piste pour comprendre les hésitations des petits-enfants d’immigré.s. Le passé migratoire familial permet alors de caractériser plus finement les effets de l’origine sociale que ne le font les indicateurs usuels de profession et de diplôme des parents.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 57-2, avril-juin 2016, pp. 213-239.
Mots clés : Santé-Santé publique, Santé, Sociologie, Tabac, Enquête, INSEE
Cet article a pour objectif d’évaluer l’importance de l’effet contextuel du ménage sur les pratiques tabagiques, relativement au niveau individuel. Les analyses présentées reposent sur des exploitations originales de l’enquête décennale « Santé » 2002-2003 de l’INSEE. Trois résultats importants émergent de ces analyses : premièrement, il existe une concordance familiale forte des pratiques tabagiques, plus de 40 % de la variabilité de la propension à fumer étant attribuable à des facteurs inobservés relatifs au ménage, une fois pris en compte les caractéristiques individuelles, la structure du ménage et son niveau de revenu ; deuxièmement, les hommes et les femmes sont sensibles à des facteurs de risques psychosociaux qui s’expriment dans des sphères différenciées, les hommes au chômage ayant une probabilité plus élevée de fumer que les hommes en emploi, et les femmes vivant au sein d’une famille monoparentale ayant des risques plus élevés d’être fumeuses relativement à toutes les autres configurations familiales ; enfin, l’environnement du ménage peut agir comme modulateur des pratiques, en renforçant ou au contraire en atténuant l’effet des caractéristiques individuelles.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 213, juin 2016, pp. 66-83.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Recherche en sciences sociales, Féminisme, Terrain, Enquête, Subjectivité, Sociologue
Il existe en France peu de textes consacrés à l’enquête de terrain qui mobilisent la théorie féministe, et notamment l’épistémologie du positionnement (standpoint). Promouvant une science engagée contre l’invisibilisation de pans entiers du monde social, elle interroge les effets de l’autorité du savant sur la définition de l’objectivité scientifique. Fondée sur une pratique, la théorie féministe fournit aussi des outils pour appréhender concrètement la pluralité des rapports de domination qui structurent la relation d’enquête et sont inscrits dans le dispositif de terrain. Participant à traduire sur un plan méthodologique cette tradition théorique mal connue, l’article propose d’envisager le terrain comme procédant d’un regard socialement situé et inscrit dans des solidarités politiques, mettant ces solidarités à l’épreuve et visant à les nourrir par ses résultats.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 213, juin 2016, pp. 38-65.
Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Homosexualité, Représentation sociale, Couple, Enquête, Reconnaissance
Peu d’enquêtes représentatives permettent d’étudier les attitudes gayfriendly en France. L’analyse de Contexte de la sexualité en France montre que les variables de milieu social sont moins prédictives d’un fort niveau d’acceptation de l’homosexualité que le sexe, l’appartenance générationnelle et le rapport à la religion. Les classes supérieures se distinguent sur des positions de principe très abstraites, en étant plus gayfriendly. Mais dès lors que sont mobilisés des indicateurs renvoyant à une acceptation plus concrète, cette spécificité disparaît. L’approche montre aussi l’importance, surtout pour les femmes, de variables biographiques qui renvoient à des expériences individuelles relevant de la vie privée et de l’intimité. Plus ces expériences individuelles renvoient à la diversification contemporaine des conjugalités et des sexualités, plus l’acceptation de l’homosexualité est forte.
Cet article propose une synthèse des résultats d’un certain nombre d’enquêtes françaises et internationales récentes portant sur les relations entre la police et le public en France, en s’appuyant sur la théorie de la justice procédurale. Les enquêtes d’opinion convergent pour montrer que ce sont les jeunes et les membres des minorités visibles qui ont l’image la plus négative de la police et lui font le moins confiance. L’article rapproche cette image négative des enquêtes qui se sont intéressées aux relations concrètes de ces groupes avec la police, marquées par l’hostilité réciproque et la discrimination policière. L’article propose ensuite une explication de cette situation en se fondant sur l’histoire de la police française et s’efforce de cerner ce qui fait la spécificité du « style » policier français dans le domaine de la sécurité publique.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 16, printemps 2016.
Mots clés : Travail social : Formation, Organisme de formation, CEF, Enquête, Professionnalisation, Travailleur social, Recherche, Recherche sociale, Pratique professionnelle, Formation
Le présent article porte sur l’expérience d’une recherche pilotée au sein d’un institut de formation en travail social et interroge ce que faire de la recherche dans un tel contexte veut dire. Pour ce faire, le propos développé se fonde sur une enquête ethnographique en Centres éducatifs fermés, menée sur deux ans par un collectif composé de chercheurs disciplinaires et de formateurs professionnels. Les éclairages visés portent autant sur la manière concrète dont s’est structuré et organisé le programme (démarche et méthode) que sur les enjeux que pose ce type de démarche en termes d’utilité scientifique et d’usages sociaux, notamment dans les apports de connaissances qui peuvent servir la formation et la professionnalisation des travailleurs sociaux.
Paru dans la revue Sociétés et jeunesses en difficulté, n° 16, printemps 2016.
Mots clés : Action sociale : histoire et perspectives, Enquête, Équipe éducative, Chercheur, Pratique professionnelle, Interaction, Recherche, CHRS, Gens du voyage, Scolarisation, Coopération
A partir d’une recherche ethnographique réalisée dans le cadre d’une réponse à un appel d’offres de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) en 2012, cet article se propose d’analyser les rapports entretenus par le chercheur avec une équipe socioéducative dont le travail éducatif mené dans un centre d’hébergement avec des familles migrantes roms a constitué l’objet central de la recherche. Nous décrivons comment le chercheur à qui une association a commandé un regard sur les questions de scolarisation mène son enquête dans un contexte institutionnel et professionnel complexe dans lequel les relations et interactions, à des niveaux hiérarchiques différents, peuvent peser sur le recueil et le traitement des données. Comment parvient-il à concilier l’indépendance et la scientificité de sa démarche avec les attentes du commanditaire et celles des professionnels désormais impliqués dans sa recherche ? Quelles démarches collaboratives et quelles implications réciproques se déploient tout au long de l’enquête ? Quels en sont les effets sur son identité de chercheur et sur les pratiques des professionnels ?
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 57-1, janvier-mars 2016, pp. 45-70.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Accompagnement de la personne et identité, Enquête, Méthodologie, Sexualité, Relation duelle
La sexualité, conçue comme un ensemble de gestes et de mots engageant les corps et les imaginaires sexualisés susceptibles d’être échangés entre l’enquêteur·trice et l’enquêté·e, recouvre des enjeux de méthode importants en sociologie : ses manifestations empêchent ou favorisent des enquêtes de terrain, en ponctuent certaines d’incidents plus ou moins graves ; les craintes qu’elle suscite souvent sont susceptibles d’agir sur la construction de l’enquête et sur la définition de la question de recherche à son origine. Pourtant, la sexualité n’est quasiment jamais mentionnée, ni a fortiori analysée, d’un point de vue méthodologique, en dehors des recherches portant spécifiquement sur la sexualité. Fondé sur une revue critique de la littérature méthodologique, cet article décrypte les raisons d’un tel silence et, pour en contrer les effets délétères, en matière de prévention des risques et parce que ce silence fait obstacle à la connaissance, il propose de voir dans le déroulé idéal de l’enquête un script sexuel caché dont la reconnaissance contribue à objectiver les manifestations de la sexualité sur le terrain.
Cet article vise à rendre compte du succès des jeux de hasard, en dépit de leur irrationalité économique supposée, puisque ces prises de risques financières conduisent généralement à perdre de l’argent. L’enquête s’appuie sur un traitement inédit du volet « Jeu pathologique » du « Baromètre santé » de l’Inpes-OFDT (2010) et sur une cinquantaine d’entretiens avec des joueurs destinés à montrer qu’une approche sociologique permet de comprendre l’attraction de ces produits. Une typologie des modalités d’investissement dans ces pratiques ludiques est proposée, croisant le degré de prise de risque et le sentiment de contrôle du joueur. Ces usages des jeux traduisent des attitudes différentes face au risque et aux décisions instrumentales, qui ont des conséquences sur le développement éventuel d’une dépendance à la pratique. Il apparaît que les prises de risques ludiques sont d’autant moins maîtrisées qu’elles sont perçues par celui qui les prend comme des voies alternatives d’enrichissement dans un contexte de limitation des ressources et comme des moyens de regagner une forme de contrôle sur son devenir social. Les carrières d’addiction constituent l’aboutissement extrême d’une série de pièges de la raison.
Il est d’usage de considérer que les enquêtes longitudinales permettent de réduire, dans la saisie des transformations des pratiques et des représentations à l’échelle des biographies individuelles, les biais liés aux difficultés de remémoration et à « l’illusion biographique » auxquelles exposeraient les enquêtes rétrospectives. Dans cet article, nous proposons de prendre ces biais comme objets de recherche à part entière, et d’engager une discussion des apports et des limites des approches longitudinales, sur la base des résultats de l’enquête « Univers culturels des enfants et des adolescents » (Ministère de la Culture et de la Communication, 2002-2008), à partir d’une analyse des « incohérences » des réponses successives données par les adolescents aux questions sur leurs sorties culturelles. Souvent traitées comme des erreurs à corriger, ces « incohérences » sont pourtant pleinement redevables d’une analyse sociologique, qui permet de montrer comment elles s’inscrivent au cœur des processus de construction des biographies individuelles.
Cet article montre comment se construit la communication entre un chercheur et les adolescents incarcérés à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de Lavaur, situé dans le Tarn. L’objectif est de saisir ce que la relation d’enquête est susceptible de nous apprendre sur une prison récente et ses mécanismes. Du fait qu’elle est porteuse d’un régime éducatif singulier et prétendu novateur ainsi que d’une architecture pour le moins originale (ces deux éléments nourrissant la considération selon laquelle « l’EPM ne serait à l’évidence pas une prison »), la relation d’enquête devrait trouver à s’exprimer autrement que selon les usages traditionnellement dévolus à l’investigation carcérale. Pourtant, avec l’attribution de surnoms, la mise en œuvre de tests et l’expression de sollicitations multiples, l’expérience ethnographique menée à l’EPM de Lavaur peut être entendue comme « classique » voir « habituelle ».
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 56, n° 2, avril-juin 2015, pp. 301-330.
Mots clés : Territoire-Logement, SDF, Logement social, Précarité, [ENVIRONNEMENT SOCIAL ET LIEN SOCIAL], Demande sociale, Enquête
Cet article s’intéresse à l’entourage des personnes en situation de précarité résidentielle. À partir de l’enquête « Sans domicile » réalisée par l’INSEE et l’INED en 2012 et d’une enquête ethnographique effectuée à la Direction du logement et de l’habitat de la mairie de Paris dans le service d’accueil des demandeurs de logements sociaux, il montre en quoi le manque de soutien des proches peut être à l’origine de la précarité résidentielle et la façon dont cette dernière contribue, en retour, à l’isolement relationnel. Il analyse ensuite les conditions du recours au logement social, principale échappatoire à la privation de logement, et le rôle des liens sociaux et familiaux dans cette démarche. Il apparaît que l’inscription sur la liste des demandeurs est liée à l’insertion dans un maillage relationnel (famille, amis et compatriotes) et institutionnel (travailleurs sociaux), et qu’elle est largement portée par les mères, qui se battent pour la reconstitution du foyer. Au contraire, malgré son besoin, l’individu qui ne bénéficie pas de cet entourage ne fait pas valoir ses droits. La privation de domicile est donc une conséquence de la pauvreté, mais elle résulte aussi de la perte des protections relevant, d’une part, des liens sociaux et, d’autre part, des institutions.
Ce travail porte sur la littérature américaine sur les violences conjugales. Plusieurs grandes enquêtes ont été menées par des chercheur-e-s aux orientations théoriques différentes (violences familiales versus violence contre les femmes), et les résultats de ces enquêtes ont fait l’objet de débats. Cette revue de littérature entend restituer ces débats – sur la symétrie de genre et la bidirectionnalité des violences, sur leur définition, sur leur étiologie, sur leur traitement pénal – afin de contribuer à la construction de l’objet « violences conjugales ». La réprobation que suscitent ces violences constitue un objet d’analyse en soi.
Article de Nicolas JOUNIN, Fatine AHMADOUCHI, Aurélie BACHIRI, et al.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 39, n° 1, pp. 3-29.
Mots clés : Contrôle, Discrimination, Contrôle d'identité, Police, Image, Ethnie, Groupe d'appartenance, Jeune, Étudiant, Mode de vie, Transport, Loisir, Sociologie, Enquête, Questionnaire, GENRE, ILE DE FRANCE
Cet article interroge les modalités des contrôles d'identité menés par les forces de l'ordre et notamment la sélection qui y préside, à partir d'une enquête par questionnaire auprès d'étudiants. Le look et le sexe ont des liens significatifs avec la probabilité d'avoir été contrôlé au moins une fois. La race présente également un lien significatif lorsqu'on opère un contrôle par des variables indiquant des pratiques de transport et de loisir. Au-delà de cette disparité, on voit apparaître des écarts, voire la formation d'une « clientèle policière », à travers la répétition et la manière dont se déroulent les contrôles.
L'objet de notre travail est de proposer une approche spatiale du bien-être à l'école sur la base d'une enquête de victimation et de climat scolaire. Une focalisation sur les vestiaires d'EPS permet d'examiner un lieu singulier qui échappe la plupart du temps au regard et à la vigilance de l'adulte. Mille quarante-neuf élèves, issus de 13 collèges ont été interrogés. Les résultats montrent qu'il y a bien des lieux propices aux manifestations de violence au sein du collège selon le point de vue des élèves. Les victimations dans les vestiaires apparaissent singulièrement élevées dans cet espace et en particulier les moqueries, le voyeurisme, les bagarres collectives ou encore les dissimulations d'objets.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 1, janvier-mars 2015, pp. 7-46.
Mots clés : Comportement politique, Enquête, Valeur, Union européenne, État-providence, Libéralisme, Opinion publique, Inégalité, Politique économique
À partir de l'enquête sur les valeurs des Européens, cet article montre que le rejet du libéralisme économique n'est pas un épiphénomène issu de la crise de 2007, mais une tendance de fond qui traverse l'Union européenne depuis les années 1990. En examinant les attitudes à l'égard de l'État, on met en évidence que la quasi-totalité des Européens sont devenus plus interventionnistes entre 1990 et 2008. Les caractéristiques économiques et politiques des individus exerçant ici une influence conjointe, on souligne que la vulnérabilité sociale n'est pas toujours une condition suffisante du soutien à l'État. On observe aussi plusieurs homologies entre les niveaux micro- et macrosociologiques. De même que les Européens les plus vulnérables sont les plus favorables à l'État, ceux qui vivent dans les pays les plus inégalitaires développent plus volontiers des attentes sociales. Les quelques pays où l'interventionnisme recule sont ceux où la confiance dans les institutions tend à se rétracter ; ce qui éclaire aussi les bases symboliques de la demande d'État.
Article de Michaël SEGON, Nathalie LE ROUX, Maks BANENS, Stéphane CHAMPELY
Paru dans la revue Revue française des affaires sociales, n° 1-2, janvier-juin 2014, pp. 216-237.
Mots clés : Statistiques, Traitement statistique, Insertion professionnelle, Travailleur handicapé, Enseignement supérieur, Enquête, Jeune travailleur
"Que peut-on tirer des données statistiques disponibles aujourd'hui au sujet de l'insertion professionnelle des jeunes handicapés sortant de l'enseignement supérieur ? L'exploitation secondaire de l'enquête Génération 2004 (CEREQ, 2007 et 2009) fait apparaître des parcours de formation et des situations professionnelles relativement différenciés pour ces individus. Cependant, ces résultats sont limités. Les échantillons mobilisés illustrent les problèmes de définition et d'appréhension statistique de la population des anciens étudiants handicapés. Ensuite, l'analyse des tendances dégagées souffre de l'absence de certains indicateurs pouvant permettre de mieux comprendre les situations de handicap ou de participation sociale vécues pendant les études et la transition vers l'emploi. Cet article présente donc à la fois les résultats d'une analyse statistique du devenir professionnel de jeunes handicapés sortis de l'enseignement supérieur, et les difficultés rencontrées quand il s'agit de saisir cette population avec l'appareil statistique actuel." [Résumé de l'éditeur].
Paru dans la revue Revue française des affaires sociales, n° 1-2, janvier-juin 2014, pp. 239-254.
Mots clés : Enquête, Éducateur de jeunes enfants, Pratique professionnelle, Pratique religieuse, Accueil, Enfant, Religion, Alimentation, Conditions de travail
"À partir d'une enquête nationale sur le métier d'éducateur de jeunes enfants, l'article explore la façon dont les éducateurs de jeunes enfants prennent en compte la question religieuse dans l'exercice de leurs fonctions. Il montre notamment comment l'intrusion des pratiques religieuses dans les structures d'accueil de jeunes enfants est négociée par ces éducateurs et les réserves que ceux-ci émettent lorsque les requêtes identitaires émanent des professionnels eux-mêmes." [Résumé de l'éditeur].
Article de Jérôme DEAUVIEAU, Etienne PENISSAT, Cécile BROUSSE, et al.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 55, n° 3, juillet-septembre 2014, pp. 411-457.
Mots clés : Catégorie socioprofessionnelle, Classification, Classe sociale, Hiérarchie, Salarié, Enquête, Méthode, Profession
Si de nombreux travaux interrogent la capacité des nomenclatures socioprofessionnelles à objectiver les divisions de l'espace social, plus rares sont ceux qui étudient leur correspondance avec les catégorisations ordinaires mobilisées par les Français pour penser la société. À partir d'un « jeu de cartes », inspiré de l'enquête de Luc Boltanski et Laurent Thévenot de 1982, cet article a pour objectif de décrire ces catégorisations ordinaires. Menée auprès d'un échantillon de 547 individus, notre enquête montre la présence de logiques communes et de variations typiques au sein des classements, a priori très différenciés, que les individus opèrent. Les catégorisations de l'espace social français s'appuient majoritairement sur le critère de la profession - qu'il soit décliné selon une logique hiérarchique (en distinguant salariés et non-salariés, puis en opérant un classement interne au salariat), ou selon une logique d'activité (par métiers et secteurs d'activités) -, et confirment une forme d'intériorisation des découpages officiels du monde social.
Les déclarations de problèmes de santé recueillies en toutes lettres dans l'enquête nationale « Handicaps-Incapacités-Dépendance » de 1999 donnent accès à la multitude des manières de les énoncer. Une analyse textuelle de ces données permet de montrer que les déclarations varient en fonction du milieu social, illustrant la notion de culture somatique forgée par Luc Boltanski. Il est cependant possible d'aller au-delà de ce premier constat et de montrer que ces manières de dire sont indissociablement des manières de penser la maladie, appelées ici théories diagnostiques. En prenant les exemples du handicap mental et des troubles de type Alzheimer, cet article souligne l'intérêt de prendre en compte d'autres facteurs, en particulier la construction sociale et morale des pathologies, les configurations de prise en charge propres à chaque secteur médico-social, mais aussi les configurations familiales qui font varier les enjeux liés aux modes d'organisation quotidienne.
Cet article rend compte d'un ensemble de travaux de sociologie récemment parus en France, qui se revendiquent de la démarche pragmatiste (celle de Charles Sanders Peirce, William James, John Dewey ou George Herbert Mead) ; ou mettent en évidence la proximité de ses principes analytiques avec ceux de la sociologie (primauté de la pratique, caractère déterminant du contexte, place de l'incertitude, temporalité de l'action, socialité de la normativité). L'examen de ces publications montre également comment certaines notions propres au pragmatisme (habitude, enquête, expérimentation, valuation, démocratie, vérité) sont aujourd'hui assimilées, de façons différentes, par des approches sociologiques distinctes.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 55, n° 2, avril-juin 2014, pp. 201-244.
Mots clés : Religion, Islam, Immigration, Enquête, Âge, Pays d'origine, Analyse comparative, Union européenne, Précarité, Quartier, Socialisation, Identité culturelle
Dans les groupes originaires du Maghreb, du Sahel, et à un moindre degré de Turquie, les pratiques religieuses et la religiosité vont à rebours de la tendance qui prévaut en Europe : elles sont plus masculines et augmentent chez les plus jeunes. En s'appuyant sur les données des enquêtes MGIS 1992, TEO 2008, et secondairement sur les résultats des enquêtes Valeurs européennes EVS et ESS, des enquêtes ISSP et WVS, il s'agit ici de mettre en perspective les pratiques et l'importance accordée à la religion en fonction du contexte et des conditions de vie des immigrés en France, avec en arrière-plan l'évolution de la religiosité dans les pays d'origine. On est amené ainsi à se demander si la religiosité des jeunes issus de l'immigration du Maghreb et du Sahel, qui varie selon les caractéristiques des individus, les legs familiaux et le cadre de vie, n'est pas marquée dans sa poussée récente par des enjeux d'affirmation identitaire.
Article de Dominique BODIN, Sophie JAVERLHIAC, Stéphane HEAS
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 37, n° 1, pp. 5-26.
Mots clés : Violence, Sport, Enquête, Entretien, HISTOIRE INDIVIDUELLE, Comportement social, Groupe, Groupe d'appartenance, Bande, Identité, Motivation, Sociologie
Très souvent, le hooliganisme est analysé à travers les facteurs de risques qui conditionnent son émergence ou sous l'angle de la construction des identités collectives. Aucune analyse n'a pris en compte la question des carrières déviantes à long terme et la signification des comportements violents dans leur dimension diachronique, en s'intéressant à trois étapes particulières : l'intégration, la sortie et le retour dans le groupe hooligan. C'est à cette perspective que s'attache cet article en cherchant à comprendre, à partir de 7 entretiens sur 31 réalisés, comment interpréter les différentes phases d'une carrière hooligan.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 37, n° 1, pp. 27-50.
Mots clés : Stage, Prison, Sanction pénale, Éducation, Prévention de la délinquance, Innovation, Responsabilité, Détenu, Adaptation, Enquête, Entretien, Pédagogie, Justice, Évaluation, Système, Sociologie
Le législateur a consacré depuis 2003 un nouveau type de sanction pénale, sous la forme de « stages », dont l'objectif est d'articuler éducation, prévention et sanction. Ces innovations pénales sont présentées comme un moyen d'adapter qualitativement les sanctions aux infractions de petite et moyenne gravité. A partir d'une étude quantitative et qualitative, cet article vise à mettre en évidence les tensions entre cette finalité pédagogique et des pratiques judiciaires centrées sur la gestion des flux, la systématisation et l'accélération à moindre frais de la réponse pénale..
A partir d'une enquête empirique dans une cité de logements sociaux à Buenos Aires, l'article explore le travail de légitimité interne des habitants sans titre de logement pour accéder à un statut juridique plus solide. Se concentrer sur les relations entretenues entre les habitants et l'Institut du logement, c'est découvrir la fabrique d'un ordre consenti, négocié, qui tend vers une régularisation locative. Dès lors, la mise en ouvre de règles n'est pas simplement le produit d'une action venant du sommet de l'administration, ni des stratégies unilatérales des agents subalternes. Elle est tout autant le fait des habitants qui mobilisent les règles légales et les « passe-droits » qu'elles recèlent (Lascoumes, Le Bourhis, 1996). Plus qu'un espace de déviance et d'« informalité », la cité se présente à l'observateur comme le terrain d'un montage de légalité centré sur des pratiques d'occupation qui tendent à être normalisées.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 37, n° 1, pp. 67-88.
Mots clés : Maltraitance, Personne âgée, Concept, Causalité, Typologie, Risque, Violence, Famille, Enquête, Sociologie, Droit, Tabou, Prévention, Politique sociale, ESPAGNE
Après un bref rappel des éléments-clés du cadre théorique et conceptuel, on exposera la méthodologie, les résultats essentiels et les conclusions dïune recherche sur la violence familiale exercée contre les personnes âgées. A travers une analyse sociojuridique, on explorera la réponse sociale, juridique et institutionnelle au phénomène de la violence familiale envers les personnes âgées en Espagne en général, et en Aragon en particulier. Une réalité qui reste généralement encore cachée, relativement peu étudiée, et insuffisamment traitée par les politiques sociales de prévention de la violence domestique.
Depuis un demi-siècle, on mesure la délinquance à l'aide de données de plus en plus éloignées du seul champ pénal. L'article montre comment les enquêtes françaises en santé publique contribuent à la connaissance du rapport des jeunes à la violence. Certaines de ces enquêtes renseignent sur la part des jeunes parmi les auteurs d'agressions, mais surtout, elles élargissent à des violences que les enquêtes de victimation classiques ne saisissent pas dans l'estimation de la surexposition des moins de 25 ans. L'article en analyse les raisons et les rapporte aux spécificités de la violence physique dans cette classe d'âge.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 53, n° 4, octobre-décembre 2012, pp. 719-742.
Mots clés : PJJ, Justice, Mineur, Éducation spécialisée, Répression, Travail éducatif, Enquête, Justice des mineurs, Responsabilité, Culpabilité, Émotion
En France, la justice des mineurs se distingue officiellement par le primat de l'« éducatif » sur le « répressif », tel qu'énoncé par l'ordonnance du 2 février 1945. Cette volonté affirmée des autorités politiques et judiciaires s'est traduite par le développement d'institutions dédiées, en charge d'une politique d'encadrement spécifique. Mais en quoi consiste leur travail éducatif ? Dans un contexte marqué par une bureaucratisation croissante du travail sociojudiciaire, comment les agents en évaluent-ils la portée et l'efficacité ? A partir d'une enquête conduite auprès d'une unité de milieu ouvert de la Protection judiciaire de la jeunesse et d'un tribunal pour enfants de la région parisienne, l'ethnographie montre que les professionnels accordent une importance particulière à la transformation du rapport à soi et aux autres. Un « accompagnement réussi » doit favoriser l'émergence et l'expression de responsabilité et culpabilité, deux émotions investies d'une capacité réparatrice et rédemptrice. Marques d'un encadrement sociojudiciaire abouti, ces sentiments - au coeur de l'économie morale de la délinquance juvénile - témoigneraient d'une transformation subjective, justification au travail déployé et condition au pardon. L'importance accordée à la responsabilité et à la culpabilité participe ainsi d'une disciplinarisation des sentiments qui cherche à corriger non plus les actes, mais les personnes.
Article de Philippe COULANGEON, Geneviève PRUVOST, Ionela ROHARIK
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 53, n° 3, juillet-septembre 2012, pp. 493-527.
Mots clés : Identité professionnelle, Police, Comportement politique, Idéologie, Enquête, Questionnaire, Sociologie, Profession, Représentation sociale, Opinion, Rôle, Sécurité, Partenariat, Délinquance, Prévention de la délinquance, Répression
En l'absence d'enquête sur le vote policier, l'étude des idéologies professionnelles, qui traduisent une forme de politisation des policiers ordinaires, partie intégrante de la socialisation professionnelle, permet d'approcher les orientations politiques du monde des policiers. A partir d'une enquête par questionnaire auprès de 5 221 policiers de tous grades, on a procédé au relevé des dissensions idéologiques sur la conception du métier policier. L'analyse est fondée sur la méthode des classes latentes, dont l'application fait ressortir trois classes d'opinion que l'on a qualifiées de répressive, médiane et préventive. Ces trois profils permettent de distinguer les policiers sur la question des missions prioritaires de la police, des populations à surveiller, des partenaires avec qui collaborer et des causes de la délinquance. L'analyse des propriétés sociales et professionnelles des policiers relevant de chacune des trois classes d'opinion montre ensuite la prépondérance des caractéristiques professionnelles sur les variables sociodémographiques dans la distribution au sein des trois classes.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 191-192, mars 2012, pp. 87-105.
Mots clés : Aide à domicile, Travailleur social, Classe sociale, Culture populaire, Diplôme, Travail à domicile, Enquête, Association, Règlement intérieur, Usure professionnelle, FEMME IMMIGREE
Cet article porte sur les carrières d'usagers de cocaïne inconnus des institutions socio-sanitaires et répressives. Il présente les résultats d'une enquête conduite par entretiens semi-directifs auprès de 50 usagers appartenant à cette population cachée. Les auteurs retracent les différentes étapes des carrières en portant une attention particulière aux fréquences d'usage mais aussi aux contextes de consommation, aux significations de l'usage ainsi qu'aux dynamiques de groupe façonnant les parcours individuels.
Paru dans la revue Actes de la recherche en sciences sociales, n° 184, septembre 2010, pp. 72-89.
Mots clés : Enseignant, Individualisme, Autonomie, Évolution, Enquête
Evoquer la « montée de l'individualisme » ou l'existence d'un nouveau système normatif, fondé sur l'appel à l'autonomie et le travail en réseau, n'est guère convaincant pour comprendre les transformations de l'univers professionnel enseignant, où existent de longue date des formes spécifiques d'individualisme et des traditions pédagogiques centrées sur la valorisation de l'autonomie personnelle. Pour rendre compte des spécificités de cet univers et des transformations qui l'affectent actuellement, on analyse ici ce qui se joue au moment où de nouveaux venus entrent dans la profession, à partir des résultats d'une enquête par questionnaire croisant des éléments relatifs aux trajectoires des néo-enseignants, à leurs premières expériences du métier et aux représentations qu'ils se forment de leur avenir personnel et professionnel. On met ainsi à jour une forme spécifique d'individualisme qui relève davantage d'un certain relativisme politico-institutionnel et d'une sorte de primat accordé à la sphère professionnelle immédiate ou à la sphère privée, plutôt que d'une conception proprement utilitariste. Ce rapport à soi-même et aux autres peut tout aussi bien jouer comme forme de résistance aux injonctions institutionnelles que comme entrave à l'organisation collective.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 34, n° 2, pp. 149-162.
Mots clés : Assistant de service social, Contrôle social, Protection de l'enfance, Famille en difficulté, Mandat judiciaire, Signalement d'enfant, Légitimation, Enquête, Service social, Perception, Identité professionnelle, Pratique professionnelle, Modèle, Sociologie
Dans le cadre de leur mission de protection de l'enfance, les assistantes sociales doivent signaler à la justice les enfants qu'elles estiment être « en danger ». Cet article fondé sur une enquête ethnographique dans des services sociaux montre comment elles perçoivent et exercent différemment ce mandat de surveillance des familles. Les variations observées dépendent soit des familles rencontrées, soit des trajectoires et socialisations singulières des professionnelles (selon notamment leur appartenance générationnelle). Quand leur conception du travail entre en tension avec le rôle d'encadrement qui leur est assigné, elles gèrent cette contradiction en essayant de se convertir aux exigences de leur poste.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 34, n° 2, pp. 217-227.
Mots clés : CEF, Enfermement, Enquête, Délinquance juvénile, Éducation spécialisée, Vie quotidienne, Biographie, Vie institutionnelle, Temps, Discipline, Observation, Humour, Placement, TRAVAIL DE TERRAIN, BELGIQUE
L'article analyse le quotidien de l'enfermement de jeunes garçons délinquants dans trois institutions francophones de Belgique. Il s'attache à dégager deux dénominateurs communs : l'utilisation du temps comme moyen de discipline, l'observation et l'humour comme mécanismes symétriques. A un autre niveau, la question du sens ou du non-sens du placement au vu des trajectoires des jeunes reclus et des missions officielles assignées à ces centres sera posée. Ces résultats, partiels, sont le fruit d'une longue immersion menée sur les trois terrains.
Cette contribution interroge, à partir d'enquêtes conduites dans les lieux d'enfermement pour demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière en Autriche et en République tchèque, le rôle de ces espaces dans la production des catégories du « réfugié » et du « clandestin ». L'observation ethnographique de la situation d'entretien entre agents de l'Etat et migrants détenus est envisagée ici comme un moment particulier permettant d'appréhender les processus de catégorisation, par l'institution, des migrants détenus, mais aussi les modes de contournement ou de réappropriation par les migrants des catégories normatives qui fondent l'ordre institutionnel en détention.
Quelle que soit la source utilisée, à la fin des années 1990, les musulmans de France sont curieusement peu nombreux dans les enquêtes sur échantillon - et de manière peu compatible avec les évaluations nationales alors proposées. En revanche, à partir du tournant du siècle, leur poids augmente régulièrement, et à un rythme rapide. On peut voir la superposition de deux effets : la progression rapide de l'islam en France, essentiellement dans la population issue de l'immigration, mais aussi le recul de la sous-déclaration auparavant caractéristique de cette religion. Ce constat pose néanmoins la question de la signification de cette référence à l'islam, dont on doit se demander si elle n'est pas essentiellement culturelle plutôt que religieuse. La fréquentation de la mosquée et l'affirmation explicite d'une croyance que mesurent les enquêtes de l'Observatoire interrégional du politique démentent cette vision. Plus généralement, après d'autres, ces données contredisent certaines théories de la sécularisation qui semblent décidément devoir être reformulées.
En s'appuyant sur une série d'observations ethnographiques, cette contribution s'intéresse à la gestion des conduites sexuelles et de la cohabitation entre les sexes dans un centre de rétention administrative pour étrangers éloignés du territoire. La gestion de la différence sexuelle y est d'autant plus complexe que les centres de rétention constituent des espaces non pénitentiaires où la discipline doit s'exercer souplement. Après avoir présenté le régime « libéral » d'enfermement, l'article revient sur des situations où les gestionnaires du centre ont dû eux-mêmes définir la norme du « bon » rapport entre les sexes. Ils sont alors placés dans une tension entre la stigmatisation des pratiques généralement jugées déviantes - notamment la prostitution - et leur acceptation dans le contexte d'un lieu de confinement prolongé.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 51, n° 1, pp. 3-38.
Mots clés : Immigration, HISTOIRE, Démographie, Analyse comparative, Histoire familiale, Histoire sociale, HISTOIRE INDIVIDUELLE, Enquête, Inégalité, École, Marché du travail, Sociologie, Théorie, Racisme, REPRESENTATION COLLECTIVE, MAGHREB, FRANCE, TURQUIE, ALLEMAGNE
Comment s'articulent la question des inégalités sociales et de leur évolution et la question des modes de participation développés par les descendants de migrants au sein de cadres nationaux spécifiques aux niveaux historique, culturel, institutionnel et structurel ? Cet article se fonde sur l'exploitation de deux grandes enquêtes (l'enquête Etude de l'histoire familiale pour la France et le Panel socio-économique pour l'Allemagne) pour montrer que les modes de participation à l'école et au marché du travail des descendants de migrants turcs en Allemagne et maghrébins en France sont contrastés. En effet, le handicap ne se cristallise pas au même moment au cours de leurs trajectoires. Les descendants de migrants turcs sont exclus dès l'école (mise à distance sociale par la relégation) alors que l'exclusion des descendants de migrants maghrébins intervient à leur entrée sur le marché du travail (mise à distance sociale par la discrimination). Après la présentation des résultats, cet article aborde dans une perspective plus théorique ces deux logiques sociales et les mécanismes qui les sous-tendent.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 51, n° 1, pp. 39-60.
Mots clés : Relation d'aide, Concept, Travail social, Émotion, Soin, Altérité, Empathie, Distance, Subjectivité, Sociologie, Enquête, Entretien, Théorie, Recherche en sciences sociales, Différence, Attitude, Chercheur, Relation travailleur social-usager, Assistant de service social, Service social, CARE
Dans le contexte actuel de restrictions budgétaires qui affectent le travail social, la mise en visibilité des compétences émotionnelles et relationnelles des assistantes et assistants sociaux (AS) à fin de reconnaissance sociale constitue un enjeu central aux plans politique, économique et, ce qui est l'objet de cet article, méthodologique. Notre méthode pour mettre au jour leurs compétences invisibles, sous le terme de care, repose sur la mise en confrontation de deux types de cadrage dans la gestion des émotions que suscitent les bénéficiaires du social. En utilisant comme boussole la charge émotionnelle à laquelle nous étions exposées lors de l'observation d'interactions entre professionnel(le)s et bénéficiaires, nous avons fait apparaître, lors d'entretiens de co-interprétation, des pratiques invisibles du travail social. Nous montrerons que c'est l'écart entre les émotions de profanes et l'action des professionnel(le)s qui permet d'explorer le care institutionnel et, ainsi, de construire une sociologie du care.
Pour lutter contre les « violences scolaires », les établissements scolaires sont désormais fréquemment équipés d'une vidéosurveillance. Pourquoi et comment des proviseurs font-ils le choix de ce type de réponse technique ? Quels en sont les usages concrets ? Quels sont les impacts de l'introduction de cette technologique sur la communauté éducative ? L'article entend répondre à ces questions en s'appuyant sur une enquête réalisée dans 10 lycées franciliens auprès de la communauté éducative et de lycéens. Elle met en évidence qu'au-delà des finalités affichées de prévention des « intrusions », la vidéosurveillance est en fait bien souvent utilisée comme un outil au service d'une politique de maintien de l'ordre scolaire.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 50, n° 4, pp. 817-841.
Mots clés : Syndicalisme, Sociologie, Négociation collective, Délégué syndical, Conditions de travail, Régulation sociale, Durée du travail, Employeur, Syndicat, Salarié, Entreprise, Enquête
Avec cet article, nous voudrions revenir sur la négociation collective et sur un aspect qui a été peu abordé par la recherche sociologique. La question du mandatement syndical, inventé en 1995, a constitué une innovation de la négociation collective qui mérite une interrogation spécifique. La désignation d'un salarié d'une entreprise habilité à négocier un accord avec l'employeur met en cause le privilège des délégués syndicaux, qui en principe ont le monopole de la négociation. D'une part, cette pratique a conduit à la conclusion massive d'accords dans le cadre des 35 heures. D'autre part, cette procédure s'écarte des règles et des régulations mises en oeuvre par la négociation « traditionnelle » des accords d'entreprise. L'objectif de ce texte est de montrer en quoi le mandatement est innovant et original : il produit des accords qui ne peuvent pas être considérés comme des « accords au rabais ». Au contraire, nous indiquerons les raisons pour lesquelles bon nombre de ces accords produisent des conditions de travail plus favorables que les accords classiques. En recourant à la théorie de la régulation sociale, nous proposons d'exposer les résultats d'une recherche empirique combinant une approche quantitative et qualitative. L'analyse de 1 232 accords d'entreprise conclus dans le cadre des 35 heures sera complétée par une série d'entretiens avec des organisations d'employeurs et des organisations syndicales.
Si la sociologie de l'éducation s'est attachée à établir que l'école (re)produit des inégalités sociales, peu de travaux empiriques se sont posé la question de savoir si l'école légitime les inégalités qu'elle crée, en inculquant aux élèves à la fois le principe de mérite et la légitimité de la méritocratie scolaire. L'enjeu de cette question, souligné notamment par les psychologues sociaux, fortement impliqués dans ce domaine d'étude, est pourtant très important. L'étude empirique présentée ici, qui conjugue à la fois une enquête réalisée auprès d'étudiants de première année d'enseignement supérieur et une série d'entretiens réalisés auprès d'adultes, montre que l'intériorisation de la méritocratie scolaire est loin d'être parfaite. Celle-ci fait l'objet de critiques principalement sur deux points : la capacité du diplôme à refléter le mérite, d'une part, et la légitimité de l'assimilation entre mérite scolaire et mérite professionnel, d'autre part. Cette étude atteste aussi de l'influence modérée - car contradictoire - exercée par la formation reçue sur les jugements, dans la mesure où l'éducation reçue renforce à la fois la croyance en la légitimité de la méritocratie scolaire, tout en donnant les moyens d'en percevoir les limites.
L'article présente une étude qualitative menée à Genève, par le biais d'entretiens avec des adolescents et leurs grands-parents. L'analyse, centrée sur l'évolution temporelle de la relation entre grand-parent et petit-fils ou petite-fille, met en lumière les différents enjeux qui traversent la relation, notamment au moment du passage à l'adolescence. L'article distingue différentes configurations de dyades, opposant principalement celles vécues dans un sentiment subjectif de constance (dans la proximité ou dans la distance) à celles portant l'empreinte du mouvement, de la transformation. Face à l'image, en vogue, d'une grand-parentalité épanouie, maîtrisée et à la portée de tous, les auteurs soulignent la diversité des expériences et interrogent les déterminants sous-jacents à cette diversité, relevant notamment la variété des ressources - matérielles, financières, mais aussi symboliques, identitaires - susceptibles d'être mobilisées dans et pour la relation, ainsi que le caractère potentiellement inégal de leur répartition au sein de l'espace social.
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 33, n° 2, pp. 205-219.
Mots clés : Tabagisme, Sociologie, Déviance, Précarité, Enquête, Entretien, Motivation, Risque, Culture populaire, Classe sociale, Ouvrier, Déni, Responsabilité, Prévention sanitaire
Dans les pays développés, le tabagisme est devenu une pratique déviante, qui persiste surtout dans les milieux défavorisés. A partir de 31 entretiens menés avec des fumeurs pauvres du Sud de la France, cet article examine comment ceux-ci justifient leur pratique et jugent la lutte antitabac. Même s'ils reconnaissent leur dépendance, ces fumeurs affirment que la cigarette satisfait des besoins essentiels, ils relativisent les risques et critiquent l'industrie du tabac et les pouvoirs publics. Ces justifications sont à la fois ancrées dans la culture du risque contemporaine et dans la culture ouvrière, ce qui rend sans doute ces fumeurs peu perméables aux discours préventifs.