L’accès aux droits se charge aujourd’hui de nouvelles conditionnalités qui sont avant tout implicites. De plus en plus d’institutions publiques imposent à leurs usagers d’adopter un mode de relation numérique dans leurs échanges. L’usage des technologies de l’information emporte des exigences, socialement distribuées. Non préparé, le mouvement récent d’accélération de la numérisation de la relation administrative risque donc de produire des effets inverses à la simplification qu’il prétend conduire.

Les outils numériques ont envahi notre quotidien personnel et professionnel. Leurs usages, parfois excessifs, se traduisent par de nouvelles formes d’addiction. Dans un même temps, une part non négligeable de la population reste exclue de ces outils devenus incontournables. La maîtrise des logiciels et l’accès à internet sont devenus des points de passage obligés permettant d’accéder à ses propres droits et de gérer le quotidien. Les opérateurs de services et les grandes administrations imposent ces nouvelles pratiques à la population. Ceux qui ne s’adaptent pas sont contraints de se faire aider. Les travailleurs sociaux sont en première ligne pour permettre aux « exclus du numérique » d’accéder à leurs droits. Ils sont eux aussi contraints de s’adapter, même si leur employeur ne leur apporte pas suffisamment les outils de la mobilité nécessaires pour répondre à ces besoins.

Aujourd'hui, il existe des dispositifs, des orientations, des initiatives individuelles ou collectives qui permettent de sortir de nos frontières, d'aller à la rencontre d'individus pour lesquels leur environnement, leur histoire, leur organisation, génèrent d'autres façons de traiter la question sociale. En allant à leur renconte, nous créons de la richesse, des savoirs, de l'espoir.

Cet article présente une partie des résultats du dépouillement des données notamment le profil de situations reçues, leurs caractéristiques, leur origine, les motivations et principes éthiques des travailleurs sociaux, ainsi que leur appréciation des changements produits.

Par sa nature même, le travail social est un laboratoire très riche d’expérimentation de l’intelligence collective. Dans la relation avec les usagers et avec les partenaires, et dans la relation entre travailleurs sociaux, s’élaborent le renforcement des connaissances et l’apprentissage mutuel. Structurer la démarche et les fruits de l’intelligence collective, c’est donner au service social des atouts pour co-construire et pérenniser les méthodologies les mieux adaptées aux besoins sociaux.

L'intervention collective sous son intitulé ISIC recouvre une diversité d'approches qui risque de laisser supposer qu'il s'agit de pratiques différentes, juxtaposées, chacune légitimée par son cadre de référence (le groupe, la communauté, le territoire...). Pour aller au-delà de cette vision fragmentée, il faut revenir à ce qui fonde l'ISIC, à cet intérêt collectif construit de façon progressive, à partir d'une démarche centrée sur les personnes, leur participation active, la construction de leur pouvoir d'agir et dans une visée de changement. C'est dans cette perspective que nous proposons quelques repères pour aider à la mise en place de ce processus.

Dans notre étude, une des questions concernait d'une part les manières dont l'organisme employeur du travailleur social (TS) et les partenaires ont participé au déroulement de l'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC) et d'autre part, les stratégies mises en place par le TS pour conforter son action.
Cet article traite plus spécifiquement de la nature de l'implication des trois interlocuteurs différents que sont l'institution employeur, les partenaires extérieurs et les élus, ce qui nous a permis de repérer les stratégies des TS, leurs objectifs et leurs cibles.

Dans cet article sont définies les deux dimensions, individuelle et collective, de la pratique professionnelle des travailleurs sociaux et présentées les réponses obtenues dans le recueil des expériences d'intervention sociale d'intérêt collectif (ISIC). Comment les travailleurs sociaux définissent ces deux méthodes complémentaires, ce que cette complémentarité entraîne du point de vue du public et des différents moyens utilisés , comment se produit le passage de l'une à l'autre, quels sont les modalités, moyens et connaissances mobilisés ; quelle est la part de la dimension individuelle dans l'intervention collective, quels sont les rôle et positionnement du travailleur social : telles sont les questions auxquelles s'intéresse cet article.