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Isolement à domicile : détecter et prévenir la fin de vie sociale

Article de Alexandra Marquet, Michel Billé, Joran Le Gall, et al.

Paru dans la revue ASH Domicile, hors-série n° 24, décembre 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Handicap-Situations de handicap, Accompagnant éducatif et social, Auxiliaire de vie sociale, Aide à domicile, Personne âgée, Personne handicapée, Aidant familial, Maintien à domicile, Isolement, Lien social, Inclusion, Souffrance psychique, Épidémie, Ennui, Médiation, Prévention, Vulnérabilité, Territoire, CCAS, Citoyenneté, Accompagnement, Bénévolat

Quand silence rime avec souffrance.
LIEN SOCIAL FRAGILISÉ PUIS ROMPU.
Grands-parents, enfants, petits-enfants : trois générations vivant ensemble sous le même toit. Cette image familiale a pour ainsi dire totalement disparu du paysage français. Place à l’individualisme et au chacun "chez soi", chacun sa vie, dans son havre de paix. A quel moment cette solitude, parfois ardemment souhaitée, se transforme-t-elle en une souffrance ? Tout commence quand la vulnérabilité s’invite à domicile : le lien se fragilise alors. Grand âge, veuvage, maladies chroniques, handicaps sont autant de facteurs qui favorisent l’isolement. L’association Petits Frères des pauvres parle d’une "triple peine" quand la solitude tutoie la pauvreté et la perte d’autonomie. Tous les voyants sont dès lors réunis, que ce soit dans un département rural ou en plein cœur d’une grande métropole : aucun territoire n’est épargné. Au cours des deux dernières années, la crise de la Covid a fortement participé à isoler les plus fragiles. Près de 530 000 personnes ont été traversées par cette "mort sociale" qui se traduit par une absence de contacts avec des conséquences parfois fatales : dépression, suicide, syndrome de glissement… Et dans ces situations de quasi-assignation à résidence où l’environnement extérieur est pour ainsi dire inexistant, règne une zone de non-droit avec des difficultés pour accéder à des services accompagnées d’une perte de chances, d’une accélération de la dépendance.
UN PEU DE CHALEUR…
Parfois, la venue de l’aide à domicile est le seul contact avec ce "dehors". La seule conversation échangée. Une charge bien lourde pour les épaules frêles de ces professionnels souvent mal préparés à "gérer" ou même à "accompagner" le manque d’interactions sociales. Et pourtant, "repérer et prévenir le risque d’isolement" fait partie du référentiel des accompagnants éducatifs et sociaux. Mais pour quels objectifs ? Avec quels moyens ? Et surtout avec quels outils ? Les réponses restent à construire. Seuls sur le terrain, les auxiliaires de vie enchaînent les rencontres mais se sentent, eux aussi, désespérément isolés. C’est tout le paradoxe du métier. Et quand deux solitudes se rencontrent, l’échange n’est pas forcément au rendez-vous, faute d’envie ou de disponibilité.
Dans ce désert relationnel, comment trouver un peu de chaleur ? Les bénévoles peuvent être un soutien indéfectible. Même si les experts constatent un désengagement des plus âgés sur le terrain, avec le réflexe d’un autoconfinement, d’une protection face aux virus qui peuvent tuer. Les équipes citoyennes sont une (autre) réponse, mais encore faut-il que leur déploiement soit synonyme de proximité. Le secteur du domicile n’est pas en reste. Citons le service Voisinage du côté d’Alençon, une expérimentation conduite par La Croix-Rouge avec la volonté de ne plus se cantonner aux soins mais de soutenir les liens sociaux, ou encore cette soignante qui est désormais engagée dans le Care. Tous ont la (même) volonté de repousser la perte d’autonomie, d’apporter un peu de chaleur. Conscient de la gravité de la situation, le Gouvernement a proposé l’instauration de deux heures hebdomadaires de convivialité pour les bénéficiaires de l’APA. A compter de 2024. Urgence relative. Et pour tous les autres ? Les jeunes ? Les personnes handicapées ? Les moins de 60 ans ? A l’heure où l’isolement peut tuer, les insuffisances des politiques publiques sont pointées du doigt. Si certains centres communaux d’actions sociales misent sur la prévention, l’enjeu est plus que jamais de sortir d’une vision médico-sociale pour inscrire ces publics dits "fragiles" dans la citoyenneté et la prise en compte de l’expertise d’usage.

Adapté, partagé, le logement et Alzheimer

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Philippe Giafferi, et al.

Paru dans la revue ASH Alzheimer, hors-série n° 23, novembre 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Maladie d'Alzheimer, Personne âgée, Vieillissement, Logement, Inclusion, Habitat, Adaptation, EHPAD, Maintien à domicile, Colocation, Intergénérationnel, Expérimentation, Accueil familial, Décision, Vulnérabilité, Sécurité, Personne handicapée, Architecture, Innovation sociale, Lien social, Jardinage

Du "chez soi" au droit d’habiter
"VAIS-JE POUVOIR RESTER CHEZ MOI ?"
Quand le diagnostic tombe, toute personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble associé et ses proches se posent inévitablement cette question. Car, à l’heure où les repères se perdent progressivement, le domicile est avant tout un repaire rassurant. Reste à l’adapter. Or, la prévention est le maillon faible de l’accompagnement en France, comme le prouve la chasse perpétuelle aux financeurs pour pérenniser les postes d’ergothérapeutes à temps complet, garants de l’adaptation nécessaire du logement, puis de son appropriation.
La question de l’habitat ne se résume toutefois pas au domicile. Il peut, selon la dépendance, prendre la forme d’un hébergement en Ehpad ; à condition que la dimension domiciliaire soit prise en compte. Depuis plusieurs années, de nombreux directeurs se sont saisis de cette problématique dans un contexte de détérioration de l’image des établissements. Certains ont opté pour le Design Thinking. Derrière ce terme anglais se cache une adaptation qui s’appuie sur l’observation et l’écoute des professionnels et des résidents. Avec la volonté de réinventer les repères, de gommer au maximum l’institution, d’humaniser l’habitat.
DERRIERE "CHEZ MOI", PLUSIEURS OPTIONS.
D’autres tentent de relever le défi lors d’une reconstruction. C’est le cas d’un Ehpad public dans la Marne, avec la volonté d’une structure ouverte à tous comprenant de nouveaux espaces, des tiers-lieux où des étudiants, des locataires, des personnes en formation, des habitants peuvent côtoyer des résidents. Un engagement porté par la directrice, mais freiné par des financeurs frileux et draconiens en matière de normes sanitaires.
Méconnue, une troisième voie est née dans le Morbihan dans les années 1990, avec des habitats partagés où huit personnes souffrant de troubles cognitifs vivent en colocation. Depuis, quelques projets ont essaimé dans la région lilloise avec les maisons Ama Vitae, en région parisienne ou en Alsace, non sans difficultés… Même si les textes législatifs apportent des réponses, notamment avec la création en 2021 de l’aide à la vie partagée avec pour conséquence l’émergence du nouveau métier d’animateur du projet de vie sociale et partagée qui ne dispose d’aucune formation. Si l’habitat inclusif semble séduire les habitants et les professionnels, heureux d’avoir enfin le temps de bien accompagner et d’avoir de nouvelles responsabilités partagées, des freins sont encore nombreux : offre limitée sur le territoire, peu de demandes et reste à charge rédhibitoire. Tant que ces projets ne seront que des expérimentations, les financements resteront fragiles.
CHANGER DE REGARD ET DE MODELE.
Domicile, accueil familial, Ehpad, unités protégées, accueil temporaire, habitats inclusifs… Comment trouver son chez-soi, quand la société tout entière porte un regard dévalorisant et infantilisant sur les personnes souffrant de troubles neurocognitifs ? Comment vivre en toute liberté quand le domicile est fermé à clef ou lorsque l’unité de vie est accessible avec un digicode ? Au-delà des questions d’architecture, d’adaptation, c’est la culture organisationnelle qu’il faut changer. Penser compétences plutôt que dépendances. Voilà le chemin qui reste à faire. Car le droit d’habiter, si cher à Denis Piveteau, ne se résume pas à un toit mais à un pouvoir de choix, de décision, à une vie à l’extérieur. L’approche devra être transversale et pas uniquement sanitaire ou médico-sociale.

Violence(s) en établissement : les professionnels en première ligne

Article de Alexandra Marquet, Daniel Faggianelli, Cécile Carra, et al.

Paru dans la revue ASH Etablissements, hors-série n° 22, octobre 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Travail social : Établissements, Établissement social et médicosocial, Violence, Agressivité, Usager, Conditions de travail, Posture professionnelle, Personne âgée, Personne handicapée, Trouble du comportement, Travailleur social, Équipe soignante, Formation, IME, Bientraitance, Écoute, Empathie

Accepter la vérité.
Un usager qui s’automutile, deux résidents qui en viennent aux mains ou encore un autre donnant des coups de poing au professionnel qu’il côtoie tous les jours. Autant de situations vécues par des personnels souvent démunis et déstabilisés. La violence au travail n’est pas nouvelle pour les équipes encadrant des personnes âgées ou en situation de handicap. Les faits sont recensés depuis 2005 par l’Observatoire national des violences en santé qui observe une constante : la quasi absence de judiciarisation des faits et une complexité des causes. Pathologies, addictions, refus de soins, environnement inadapté, équipes restreintes… les raisons sont nombreuses et difficiles à expliquer. Savoir exposer les maux vécus sur son lieu de travail constitue la première étape. Agressivité ou violence ? Pour adopter la bonne posture, les professionnels doivent pouvoir les différencier. Mais encore faut-il parvenir à prendre du recul. L’agressivité peut être un moyen d’expression pour des personnes qui ne peuvent pas ou plus s’exprimer. Elle peut aussi être la conséquence d’un manque d’adaptation, une réaction face à une attitude vécue comme une agression. La question est de savoir comment ne pas mettre en échec une personne vulnérable dans un quotidien parsemé d’obstacles : manque de personnels, de temps, et parfois de compétences.
TOUS CONCERNES, TOUS ENGAGES.
Si les professionnels sur le terrain sont en première ligne, c’est à la direction d’être à l’initiative. Au-delà des fiches d’événements indésirables et des traitements ou suivis connus de tous, la formation et la sensibilisation restent les garantes d’une meilleure préparation des professionnels et d’un accompagnement de qualité. Plus la pathologie et l’histoire de vie de la personne vulnérable seront connues, mieux le professionnel saura s’adapter. Il évitera des impairs qui peuvent se retourner contre lui. Des outils sont par ailleurs à sa disposition face aux réactions incomprises et aux troubles du comportement ; un terme pas toujours employé à bon escient, ce qui génère un accompagnement complexe et parfois défaillant. Au-delà de ce goût amer, de l’incompréhension qui saisit individuellement, c’est collectivement que viendront les bonnes réponses : pour parler le même langage, avoir les mêmes réflexes et postures, les équipes devront suivre une formation commune. Et le plus grand nombre, idéalement. Dans certains territoires, des sessions sont ouvertes aux professionnels accueillant les personnes âgées et en situation de handicap. Elles favorisent rencontres, échanges et apprentissages communs.
CHANGEMENTS SOCIETAUX ET CONSEQUENCES.
Savoir se protéger, choisir le lieu opportun, peser ses mots, adopter une posture d’écoute et d’empathie, tout en travaillant dans une structure où l’éthique est érigée en mode de réflexion et de questionnement : même quand tous les voyants sont au vert, le risque demeure. Les professionnels ne sont pas maîtres de tout : comment réussir à accompagner des groupes de plus en plus hétérogènes ? La montée de la violence relève aussi d’évolutions sociétales, dont les soignants comme les équipes éducatives sont les premiers témoins. L’inclusion permet à de nombreux élèves en situation de handicap de faire leur entrée dans les écoles, laissant place à des enfants aux profils plus complexes, ou à des problématiques multiples dans les instituts médico- éducatifs ; les personnes âgées arrivent de plus en plus dépendantes en Ehpad, conséquence d’un maintien à domicile volontiers sacralisé, des patients issus de la psychiatrie se retrouvent en foyers de vie ou autres établissements médico-sociaux. Devant cette nouvelle donne, les structures font face tant bien que mal. Souvent démunies, mais inventives. Tous auraient besoin du chaînon manquant des politiques publiques : la prévention. Quand sera-t-elle privilégiée ? Il y a urgence.

Comment rendre le secteur plus attractif ? L'organisation en jeu

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Philippe Giafferi, et al.

Paru dans la revue ASH Domicile, hors-série n° 21, septembre 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Personne âgée, Personne handicapée, Aide à domicile, Maintien à domicile, Accompagnant éducatif et social, Aidant familial, Association, Organisation du travail, Management, Profession, Reconnaissance, Relation soignant-soigné, Qualité, Travail d'équipe, Usure professionnelle, Burn out, Innovation, Confiance, Recrutement

A la recherche de la reconnaissance perdue.
LE DEBUT D'UNE AVENTURE
De petites équipes autonomes indépendantes. Une nouvelle organisation. Des professionnels et des usagers heureux. Le tout opéré d’un coup de baguette magique. Evidemment, la réalité est bien plus nuancée. Si le secteur du domicile reste à bout de souffle, des tentatives de réanimation se multiplient aux quatre coins de l’Hexagone. Entreprise libérée, Buurtzorg, lean management, organisations collaboratives, autant de possibilités, mais toujours un point commun : la volonté d’innover. Face à une réponse des pouvoirs publics qui se laisse encore désirer, certains ont décidé de prendre leur avenir en main. Et d’interroger, simplement, leurs salariés pour connaître leurs besoins et leurs attentes. Le début de l’aventure pour certains, une révolution des pratiques pour d’autres. Le pari de la responsabilité individuelle comme levier de reconnaissance professionnelle. Le grand chambardement ne se fait toutefois pas d’un claquement de doigts. La preuve, certains ont tenté l’aventure il y a une dizaine d’années, seuls, mais ont vite abandonné face à l’ampleur de la tâche. Cet échec démontre la nécessité d’être préparé, accompagné et surtout de mobiliser l’ensemble des équipes. La co-construction, la formation et le respect des rythmes de chacun font partie des ingrédients indispensables à la réussite de la transformation. Avec un coach, un service de ressources humaines, avec l’appui d’une collectivité ou celui des acteurs locaux, notamment. Les soutiens sont multiples selon les régions et leurs spécificités.
DE LA HIERARCHIE A LA COLLABORATION
"Nous n’avons rien inventé" martèlent certains pionniers. Et le retour aux fondamentaux semble s’imposer, dans un secteur qui a pâti de l’informatisation et des procédures normées. Les aides à domicile ont été progressivement dépossédées de leur autonomie, qu’elles retrouvent désormais. A différents degrés : gestion en petite équipe des emplois du temps, des remplacements, de la construction du projet de vie de chaque personne accompagnée. Tandis que d’autres décident de franchir un nouveau cap en actant la participation aux recrutements ou à la gestion financière. Cette transformation managériale et organisationnelle se fait à la carte. La hiérarchie a laissé la place à la collaboration. Dans ce grand mouvement, les équipes de terrain semblent retrouver du sens et sont force de proposition. Face à un épuisement professionnel indéniable, les équipes autonomes sont un moyen vers un autre accompagnement, où le bien-être au travail et le Care sont recherchés. Encore faut-il que les formations, les réunions d’équipe et les échanges soient institutionnalisés, à défaut de bénéficier de financements.
PLUSIEURS DEFIS RESTENT A RELEVER
La situation demeure aujourd’hui fragile avec une dynamique insuffisante et une culture de l’hospitalisation. Trop souvent prégnante au détriment de la prévention. Cependant, les équipes autonomes n’ont pas fait disparaître les conditions dégradées d’exercice, quand bien même les pionniers mettraient en avant une baisse de l’absentéisme et du turnover : un argument à réfléchir sans doute pour fidéliser les équipes. Cette nouvelle organisation a le mérite de nourrir les réflexions des professionnels qui pensent développement personnel et plan de carrière. Mais en gardant à l’esprit qu’à défaut, cette alternative puisse s’imposer : rejoindre la logique d’une orientation vers des établissements médico-sociaux de type Ehpad. Autre challenge : éviter tout effet de mode en trouvant des solutions pérennes pour limiter les freins en matière de sécurisation juridique notamment. L’enjeu pourrait s’imposer d’institutionnaliser la liberté organisationnelle, de poursuivre la révolution des pratiques pour que l’accompagnement privilégie le savoir-être, l’intelligence situationnelle et l’intuition émotionnelle. Autant de défis à relever pour que salariés et dirigeants reprennent (enfin) leur souffle.

Retarder l'entrée en institution : faire face à la perte d'autonomie

Article de Alexandra Marquet, Olivier Guérin, Philippe Giafferi, et al.

Paru dans la revue ASH Alzheimer, hors-série n° 20, août 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Personne âgée, Vieillissement, Dépendance, Maladie d'Alzheimer, Institution, EHPAD, Maintien à domicile, Aidant familial, Accueil temporaire, Consentement, Vulnérabilité, Santé, Activité, Aide à domicile, Assistant de soins en gérontologie, Alimentation, Motricité, Lien social

Rester chez soi, jusqu’à quand ?
QUAND PREVENTION RIME AVEC MAISON.
Vouloir rester à domicile, dans son cadre sécurisant. C’est le choix assumé par une écrasante majorité de Français qui rejettent l’entrée en établissement médico-social. Reste à éviter l’acharnement domiciliaire. Car quand la dépendance s’installe, que les troubles cognitifs s’aggravent, quelles sont les perspectives et les alternatives ? Face au vieillissement de la population, la meilleure arme reste la prévention synonyme de maintien à domicile. Et pour repousser la fragilité, première étape vers la perte d’autonomie inéluctable, les déterminants sont nombreux : préservation du lien social, sentiment d’utilité, activités physiques devenues une véritable alternative non médicamenteuse ou encore alimentation plaisir afin d’éviter la dénutrition responsable de chutes, de passages aux urgences, puis d’entrée en Ehpad.
SAVOIR S’ENTOURER DES (BONNES) PERSONNES.
Quand les premiers symptômes apparaissent et que la situation devient plus complexe, encore faut-il être bien accompagné pour rester à domicile. C’est le temps où les premières aides sont sollicitées. "Le plus tôt possible" ne cessent de marteler les experts. Si l’équilibre est parfois difficile à trouver entre "faire seul" et ouvrir sa porte aux professionnels pour "faire avec", mieux vaut ne pas (trop) tarder pour éviter tout épuisement de l’aidant ; le seul garant d’une vie à domicile. Car l’entrée en établissement est dans la plupart des cas due à une requête des proches ou des professionnels et non un choix assumé des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer ou d’un trouble associé. Si le consentement est sacralisé, sur le terrain, c’est l’assentiment par non-opposition qui se développe dans le meilleur des cas. Parfois le placement temporaire devient durable sans que le principal intéressé soit informé. "Pour son bien". Certes, mais pas pour une meilleure intégration. L’honnêteté et le devoir de transparence devraient pourtant primer.
IMAGINER UN AUTRE SYSTEME.
Depuis des années, des dispositifs ont essaimé sous l’impulsion des différents plans gouvernementaux. Mais force est de constater que le millefeuille de solutions n’aide pas les familles qui demeurent mal informées… Avec à la fin une entrée en Ehpad toujours aussi douloureuse. Si elle est synonyme de sécurité, elle entraîne une perte d’autonomie pour ceux qui arrivent trop tôt. Rester à domicile, dans ses repères, paraît donc être la meilleure solution. Mais à condition que le couple aidé-aidant soit dignement accompagné. Offre domiciliaire à développer, prévention à conforter car les équipes spécialisées Alzheimer sont appelées beaucoup trop tardivement quand il n’est plus possible de travailler sur les capacités préservées. Quant aux interventions psychosociales qui se développent en Ehpad, leur recours à domicile reste à la marge : peu visibles, peu nombreuses et avec quel financement ? Aujourd’hui, les conditions humaines, matérielles et financières ne sont pas réunies à domicile et l’Ehpad est mal considéré. Le terme même d’institutionnalisation devrait d’ailleurs nous interroger. A quand une véritable collaboration entre professionnels du domicile et des établissements médico-sociaux ? Décloisonner, créer du lien entre tous. Ce n’est pas une loi qui changera la situation, l’enjeu intégratif devra concerner toutes les politiques publiques. Les professionnels de terrain et les experts débordent de suggestions dans ce numéro spécial.

Citoyenneté : quand la vulnérabilité fragilise les droits

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Clémence Lacour, et al.

Paru dans la revue ASH Etablissements, hors-série n° 19, juillet 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Handicap-Situations de handicap, Citoyenneté, Accès aux droits, Personne âgée, Personne handicapée, Décision, Dignité, Droit de vote, EHPAD, Établissement social et médicosocial, Reconnaissance, Usager, Vulnérabilité, Inclusion

ETRE PRIS EN COMPTE.
Symbole par excellence de la citoyenneté, le droit de vote a été élargi en 2019 par la réforme du Code électoral pour que les personnes protégées – notamment celles porteuses d’un handicap mental – puissent avoir le droit de déposer leur bulletin dans l’urne. Cette avancée attendue et saluée par tous ne doit toutefois pas occulter les freins nombreux d’une citoyenneté souvent empêchée. N’est-il pas paradoxal que les usagers puissent s’exprimer sur des décisions locales ou nationales au cours des différents scrutins sans avoir la possibilité de faire valoir leur point de vue au quotidien ? Les personnes en grande vulnérabilité vivant en établissements sociaux ou médico-sociaux seraient-elles des citoyens de seconde zone ? Si la question interpelle, leurs (faibles) pouvoirs décisionnels ne peuvent qu’interroger. Ne pas avoir le choix, subir le quotidien et les décisions d’autres… Mais pour de bonnes raisons, diront certains, évoquant le sacrosaint : "C’est pour leur bien."
ALLER VERS L'AUTODÉTERMINATION.
"On ne naît pas citoyen, on le devient." C’est en tout cas la vision de certains, qui regrettent que ce sujet soit méconnu et n’intéresse ni les principaux intéressés, ni les professionnels. L’éducation est-elle le parent pauvre du secteur ? La grande oubliée des projets personnalisés ? Et si la citoyenneté s’apprenait pas à pas ? C’est en lisant, en observant, en s’ouvrant aux autres, que l’esprit critique se développe. Or, force est de constater que la priorité en établissement ne se trouve pas (encore) dans la reconnaissance de l’autodétermination. Devenu à la mode, ce concept est encore insuffisamment relayé. Quand une personne âgée vulnérable entre en établissement, la direction met à l’abri ses papiers et son argent liquide ; pour la protéger. Mais alors, comment peut-elle ensuite consommer et se déplacer en toute liberté ? Quand la surprotection et l’infantilisation ne font reconnaître que les incapacités, la citoyenneté recule. Mais avant de prôner un changement de pratiques, un changement de vocabulaire semble devoir être un premier pas pour des personnes vues comme des patients, des résidents ou, au mieux, des usagers. Sans sentiment de chez-soi et sans maîtrise de son environnement, comment peut-on se positionner comme citoyen ? C’est tout l’enjeu du cadre domiciliaire qui doit se développer pour que la qualité de vie et la rupture de l’isolement social soient les deux piliers des établissements sociaux et médico-sociaux.
FACILITER LE "FAIRE ENSEMBLE".
Prendre en considération l’avis des usagers et les impliquer ; autant de défis qu’il faudra relever pour que les pratiques changent et, avec elles, le regard porté sur le secteur. Certains ont d’ores et déjà fait le choix de la reconnaissance en expérimentant des comités de réflexion éthique participative ou en portant des actions coconstruites où le "faire ensemble" est la règle. Cela est donc possible, à condition d’outiller les professionnels à grand renfort de Facile à lire et à comprendre (Falc) et autres pictogrammes. Reste à généraliser leurs utilisations pour rendre le pouvoir aux personnes vulnérables. Finalement, que l’on soit très âgé, adulte en situation de handicap ou encore jeune avec des difficultés sociales, le besoin de reconnaissance est indispensable pour que la citoyenneté ou encore la République ne soient pas vécues comme des lieux communs lointains. L’enjeu est de renouer avec la confiance. Quand les personnes sont reconnues dans leurs capacités, leurs droits et leurs devoirs, alors elles peuvent (re)devenir actrices de leur vie.

Relayage-Baluchonnage : La France dans les pas du Québec

Article de Alexandra Marquet, Marie Gendron, Frédérique Lucet, et al.

Paru dans la revue ASH Alzheimer, hors-série n° 17, mai 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Maladie d'Alzheimer, Personne âgée, Vieillissement, Démence sénile, Aidant familial, Repos, Accompagnement, Expérimentation, Droit du travail, Aide à domicile, Baluchonnage, Québec

Aidé-aidant-baluchonneur : comment tous les protéger ?
1999-2019 : DIX ANS DE COMBAT.
Des aidants prisonniers de leur domicile, qui ne peuvent plus s’absenter, ne trouvent plus le sommeil et peinent à trouver du temps pour manger. C’est la réalité du quotidien de nombreux proches accompagnant une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ou de troubles associés. Pendant longtemps, ils tiennent grâce au soutien occasionnel d’une auxiliaire de vie qui va passer une heure par semaine, puis de plus en plus souvent. Mais le reste du temps – et il peut être long – l’aidant est seul sur le pont. Face à cette situation, Marie Gendron, alors universitaire au Québec, a révolutionné l’accompagnement à domicile avec une simple question posée : « Accepteriez-vous que je vous remplace quelques jours pour que vous puissiez vous reposer ? » La réponse ne s’est pas laissé attendre. Et l’aventure baluchon est née avec la création d’un nouveau métier : baluchonneur. En France, quelques doux rêveurs ont regardé avec envie cette nouvelle pratique se développer. Et pourquoi ne pas l’exporter dans l’Hexagone, comme l’a fait naturellement la Belgique ? Le seul hic : les règles liées au droit du travail qui protègent les travailleurs. Alors comment imaginer l’intervention d’un professionnel jusqu’à six jours d’affilée sans aucune pause ? Mais comme à l’impossible nul n’est tenu, ils n’ont pas fait que rêver. Ils se sont organisés et ont multiplié les actions de lobbying. Et contre toute attente, ils ont obtenu la possibilité d’expérimenter pour deux ans le relayage dans le cadre d’un appel à projets porté en 2018 par la direction générale de la Cohésion sociale qui a été reconduit jusqu’en décembre 2023. Avec une condition : ce sont les services à domicile du secteur privé et non pas les Ehpad qui portent cette expérimentation. On peut d’ailleurs s’interroger sur ce choix. Pourquoi exclure les Ehpad qui ont des ressources de professionnels et qui ont l’habitude des réunions pluridisciplinaires ?
A L’EPREUVE DU TERRAIN…
Quarante services ont été retenus pour tester le relayage. Tous conscients des besoins sur le terrain, mais, pour certains, cela a parfois été la douche froide. L’Etat a accordé une dérogation du droit du travail, mais pour le reste : le management, l’organisation et le financement… chacun devait se débrouiller seul. Certains ont décidé de ne pas proposer une offre de relayage mais une solution de baluchonnage. Avec quelles différences ? Ne se limitant pas au répit, le baluchonnage est une philosophie défendue par un cahier des charges drastiques avec la volonté de protéger la personne aidée, l’aidant, mais aussi le baluchonneur. Tous ont dû prendre leur bâton de pèlerin ; certains Départements ont accordé des financements, mais pas tous. Les mutuelles et autres retraites complémentaires ont mis la main à la poche. Mais quelle perte de temps pour les porteurs de projets et quelle iniquité sur le territoire pour les aidants, dont les restes à charge peuvent les faire renoncer alors que tous sont épuisés.
DES APPRECIATIONS DIVERGENTES
Pour les baluchonneurs, c’est le bonheur retrouvé de prendre enfin son temps. Du côté des partenaires sociaux, l’enthousiasme est pour le moins mesuré, défendant plutôt "l’aide aux aidants et l’accueil de jour de proximité". Mais si c’était si simple ! Les experts le savent. A un moment donné, quand la maladie progresse, le seul fait de quitter son domicile devient impossible car trop perturbant et excédant les capacités d’adaptation. Alors quelle solution ? Laisser les aidants dépérir ? Testée et bien encadrée, la formule a fait ses preuves. Reste à la faire connaître, à la financer et à l’aider à se développer avec éthique et exigence. Et pourquoi limiter le plan d’aide aux personnes vulnérables au lieu de privilégier un système qui réponde à la prise en charge du binôme aidée-aidant ? C’est une piste qui doit être défendue et explorée à l’heure où le nouveau quinquennat s’ouvre et où la loi grand âge (attendue depuis trois mandats) ne pourra pas faire l’impasse sur le domicile, plébiscité par une écrasante majorité de Français qui souhaitent y vivre et y mourir.

Transition écologique : structure et évolution des pratiques

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Philippe Giafferi, et al.

Paru dans la revue ASH Etablissements, hors-série n° 16, avril 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Travail social : Établissements, Établissement social et médicosocial, Écologie, Développement durable, Environnement, Pratique professionnelle, Législation, Alimentation, EHPAD, Restauration collective, Projet d'établissement, Milieu naturel, Jardinage, Architecture, Empowerment, Citoyenneté, Démocratie participative, Accompagnement, Énergie, Territoire, Vieillissement, Personne âgée, Participation des usagers, Déchet, Engagement

STRUCTURER LES (BONNES) PRATIQUES. «Notre maison brûle et nous regardons ailleurs.» C’était il y a vingt ans. Déjà. Cette phrase prononcée par le président de l’époque Jacques Chirac en Afrique du Sud est restée dans nos mémoires. Depuis, qu’est-ce qui a changé? Tout. A commencer par les textes législatifs qui se sont multipliés en France. Des réglementations de plus en plus contraignantes, mais qui ne sont pas toujours accompagnées de moyens financiers suffisants. C’est là où le bât blesse pour un secteur qui affiche une situation paradoxale entre l’utilisation quotidienne de produits nocifs pour répondre à une course à l’hygiène, une habitude à aérer des bâtiments surchauffés et une propension à jeter des tonnes d’aliments non consommés.
Valorisation des déchets, achats responsables, alimentation plus saine… sur le terrain, les initiatives se multiplient, portées par des directions ou des professionnels sensibilisés et engagés. Mais reste à généraliser et à structurer ses pratiques, à les inscrire et à les intégrer dans le projet d’établissement. L’enjeu est de passer du bricolage à une démarche transversale et cohérente. La marche est encore haute pour de nombreux acteurs, même s’ils ne s’interrogent plus sur «quand» s’engager, mais bien «comment». Pour répondre à cette question, les partenaires ont imaginé des outils et des méthodologies pragmatiques. D’ailleurs, près de 10 millions d’euros par an vont être injectés pour financer des conseillers en transition énergétique et écologique. Au total, 500 établissements se sont portés volontaires, marquant leur volonté de participer à l’aventure. La transition écologique constitue plus que jamais une opportunité pour le secteur de se démarquer, de réaliser des économies substantielles, de gagner en qualité de vie, de renforcer son attractivité en vue d’attirer du personnel et ainsi de couper l’herbe sous le pied du dévastateur turnover.
MENER ENSEMBLE LE COMBAT ECOLOGIQUE. Tous ceux qui ont décidé de prendre les devants mettent en avant les économies réalisées et affichent leur ambition de poursuivre leurs efforts, quand d’autres regrettent les surcoûts occasionnés par la loi Egalim, qui ne sont pas compensés par l’Etat à l’heure où les factures énergétiques flambent dans des bâtiments devenus, au fil des années, des passoires énergétiques.
Si les efforts autour d’une alimentation saine sont engagés, les petits plats végétariens à base de tofu ou de boulgour ont été boudés par les papilles des aînés. Les équipes ont donc réadapté les menus. Des pionniers dans un foyer d’accueil médicalisé dans le Nord-Pas-de-Calais ont misé sur une éolienne en autoconstruction, qui n’a jamais pu être mise en service, faute d’autorisation administrative. Même eux ne sont pas découragés, car ils mettent en avant l’aventure humaine, le «faire-ensemble». C’est bien l’autre enjeu de la transition écologique : ne pas séparer les «supposés» sachants (directions) et les suiveurs (usagers); tous doivent mener ensemble ce combat. L’enjeu est de sensibiliser et de faire participer les publics accompagnés pour qu’ils deviennent des écocitoyens à part entière.
REGARDER DEVANT SOI. A quand un accompagnement transversal à la hauteur des enjeux ? La question demeure. Ce sont les politiques qui devront apporter des réponses. La loi «grand âge» inclura-t-elle les questions environnementales ? Les bons élèves seront-ils enfin soutenus, valorisés ? Il n’est plus temps de se perdre dans des mesurettes, mais de regarder devant soi, de lever la tête, de respirer à pleins poumons pour donner la possibilité aux professionnels, aux usagers et aux familles d’évoluer dans un environnement sain et propice aux relations apaisées.

Maladies chroniques : comment mieux accompagner

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Monique Carlotti, et al.

Paru dans la revue ASH Domicile, hors-série n° 15, mars 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Santé-Santé publique, Maladie chronique, Personne âgée, Personne handicapée, Malade, Aidant familial, Aide à domicile, Maintien à domicile, Accompagnement, Vie quotidienne, Pathologie, Diagnostic, Formation, Couple, Empowerment, Relation d'aide, Vulnérabilité, AJPA (Allocation journalière du proche aidant)

VIVRE AUTREMENT. Ils sont près de 20 millions de Français atteints d’une maladie chronique, dont 13 millions présentant une limitation dans leur vie, selon la Caisse nationale d’assurance-maladie. Tous ont dû faire face au diagnostic, tous ont dû apprendre à vivre autrement, à adapter leurs habitudes de vie. Tous doivent suivre un (long) chemin pour trouver leur place dans une société qui prône le jeunisme et la bonne santé. En France, l’augmentation de l’espérance de vie a un impact sur le virage ambulatoire engagé depuis de nombreuses années. Virage annoncé de longue date, mais qui peine à se structurer, d’après la Cour des comptes. Avec quelles conséquences ? De nombreuses personnes éprouvent des difficultés à identifier des professionnels qui acceptent d’intervenir chez elles, quand d’autres peinent à trouver des solutions garantissant leur qualité de vie. Comment se sentir chez soi quand, au cours d’une même journée, trois, quatre ou cinq soignants vont se succéder ? Comment ne pas se sentir isolé ou parfois stigmatisé quand on se sent diminué ? Faire avec eux et non à leur place. C’est tout ce qu’ils réclament.
S’ADAPTER FACE À DES SITUATIONS COMPLEXES. A domicile, les professionnels doivent apprendre à mieux connaître ce public émergent. S’adapter, toujours. Si pendant longtemps, les aides à domicile sont principalement intervenues auprès de personnes âgées ou en situation de handicap qui refusaient l’institutionnalisation, elles sont de plus en plus confrontées à des personnes plus jeunes qui ont parfois des enfants en bas âge, un travail… mais qui ont malgré tout besoin d’une aide plus ou moins importante pour réaliser les gestes de la vie quotidienne. Ces situations tant diversifiées complexifient leur métier au quotidien. L’autre réalité à prendre en compte, c’est la présence d’un proche qui ne peut être ignorée. Et c’est là que le bât blesse. Depuis peu, l’association Avec nos proches a d’ailleurs décidé de sensibiliser les professionnels de santé pour qu’ils considèrent les aidants, pour qu’ils les orientent en cas de fatigue ou de détresse psychologique. L’enjeu est d’éviter un burn-out ou une hospitalisation qui viendrait alourdir la gestion de l’équilibre familial de la personne aidée.
COORDINATION DE SOINS ET CONTINUITE MEDICO-SOCIALE. Depuis quelques années, les dispositifs législatifs et les services d’accompagnement se renforcent, tant pour les personnes malades que pour les aidants : lignes d’écoute, groupes d’échanges… Dans le même temps, un nouvel ordre s’impose : le patient prend le pouvoir en s’informant et en prenant des décisions. L’avènement des patients experts a aussi contribué à changer les mentalités. Forts de leurs expériences et de leurs connaissances, ils participent au mouvement d’empowerment, renforçant le pouvoir d’agir et la détermination. Reste aux pouvoirs publics à lutter contre les déserts médico-sociaux, à favoriser l’accès au soin et à contrer les inégalités territoriales. Le virage domiciliaire devra apporter des réponses pérennes. Dès lors, on peut s’interroger sur la non-reconduction du plan d’amélioration de la qualité de vie des personnes avec une maladie chronique (2007-2011). C’était il y a dix ans, alors que certaines approches ne se sont pas généralisées. La coordination de soins et l’accompagnement médico-social restent aujourd’hui un défi au même moment où la loi du 2 janvier 2002 fête ses vingt ans. Et pourquoi pas généraliser le «zéro sans solution» prôné par Denis Piveteau dans le champ du handicap aux malades chroniques ? C’est en tout cas le souhait de nombreux malades, aidants, experts et professionnels.

Le respect du rythme des usagers : un défi au quotidien

Article de Alexandra Marquet, Laurence Hardy, Philippe Giafferi, et al.

Paru dans la revue ASH Alzheimer, hors-série n° 14, février 2022, pp. 3-41.

Mots clés : Grand âge-Vieillissement, Maladie d'Alzheimer, Vieillissement, Personne âgée, Démence sénile, Dépendance, Rythme, Respect, Usager, Établissement social et médicosocial, Maintien à domicile, Aide à domicile, Adaptation, Vulnérabilité, EHPAD, Repère, Aidant familial, Accompagnement, Baluchonnage, Répit

IMPOSSIBLE D’ECOUTER SON RYTHME. Choisir le bon moment pour sortir de son lit, boire un café, prendre sa douche. Avoir la possibilité de se relever en pleine nuit pour se servir une tisane ou manger quelques délices sucrés. Un droit ? Non, plutôt un luxe. Quand la perte d’autonomie due aux troubles cognitifs s’installe, quand le besoin d’assistance se fait sentir, c’est tout un rythme de vie qui se voit déréglé, que ce soit à domicile ou en établissement… Même si ce n’est pas pour les mêmes raisons. Si la grande majorité des Français souhaite vivre le plus longtemps à domicile, elle est vite confrontée aux difficultés organisationnelles des services à domicile. Avec notamment pour conséquence, des horaires de passages imposés qui ne correspondent pas à leurs habitudes de vie. Dans la réalité, les personnes malades et leurs aidants doivent s’adapter aux innombrables interventions des professionnels et batailler pour trouver une solution personnalisée non intrusive. Dans les structures, l’histoire sociale, l’organisation carcérale et monacale de surveillance pèsent toujours. Difficile de se séparer de cette pratique culturelle où le collectif l’emporte : horaires précis pour les levers, les couchers, les prises de repas, toilettes à la chaîne… Alors même que le projet d’accompagnement personnalisé vient de fêter ses vingt ans avec l’instauration de la loi du 2002-2. De l’«abattage» au respect du rythme, il y a plus qu’un pas. Un fossé. Faute de temps, de personnels formés et en nombre suffisant, de résistance au changement, la perte d’autonomie s’accompagne inévitablement d’une perte de liberté des rythmes individuels.
ECOUTER, S’ADAPTER : DES PRATIQUES QUI ESSAIMENT. Dans ce contexte, conserver ses marques est essentiel pour des personnes dont les troubles cognitifs vont progressivement brouiller les repères. Si l’institution est censée s’adapter aux besoins de la personne, force est de constater que dans la grande majorité des cas, ce n’est pas la règle, bien au contraire. L’origine de cette organisation si cadrée ne tient-elle pas au fait de privilégier les besoins et les rythmes des professionnels ? C’est le constat d’une pionnière, directrice d’un Ehpad public dans la Marne. Il y a dix ans, Françoise Desimpel inventait «le Noctambule», service d’accompagnement de nuit. S’ensuivit une prise de conscience collective de ses équipes : il fallait reconsidérer l’organisation. Une révolution qui ne se décrète pas, mais qui demande des efforts, de l’abnégation et de l’engagement. Partout en France, des initiatives sont menées : habitat inclusif, baluchonnage, choix d’une structure à taille humaine… Avec, toujours, la volonté de suivre le rythme de chacun.
INVENTER UN AUTRE MODELE. Par ailleurs, des réflexions sont également engagées. Les équipes s’interrogent sur l’éthique, sur les conséquences des unités fermées. Elles ont certes l’avantage d’accueillir un nombre limité de personnes pour qui le «comme à la maison» est privilégié… mais elles «enferment» des usagers qui sont réorientés dès que la dépendance le nécessite. Les professionnels ne veulent plus subir un modèle économique et demandent un changement de paradigme : ils souhaitent que la qualité de vie de la personne malade soit sanctuarisée, à domicile comme en établissement. Oui, ils peuvent faire de petits miracles à leur échelle, mais ils ont aussi besoin de l’appui des politiques et des administrations, pour que les financements suivent, pour que les expérimentations se déploient sur le territoire et deviennent pérennes.