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Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 150, 2024-1, pp. 31-46.
Mots clés : Santé-Santé publique, Deuil, Politique sociale, Émotion, Société, Mort, Santé publique
Les politiques sociales, de santé et du funéraire se montrent de plus en plus soucieuses de l’impact de leurs mesures sur les personnes en deuil. Cette nouvelle visibilité publique des endeuillés pose toutefois la question de la reconnaissance et de l’unification d’un ensemble de personnes que ne rassemble, a priori, que la seule expérience de la perte. À partir de l’étude d’un corpus de travaux parlementaires, cet article propose d’analyser les ressorts de la catégorisation des endeuillés comme destinataires de l’action publique. En dépit des arguments qui s’opposent à la politisation du deuil et à la reconnaissance des endeuillés comme un sujet collectif, l’analyse de la parole parlementaire témoigne de la construction des endeuillés comme un public vulnérable, tant du fait des responsabilités qui lui incombent (prendre en charge et organiser le départ du mort) que de la nécessité de réorganiser matériellement sa vie à la suite d’un décès. Toutefois, cette reconnaissance ne permet pas d’inscrire durablement le deuil dans les rapports sociaux et contribue, en cela, à sa dépolitisation.
Article de Olivier Crasset, Annie Dussuet, Virginie Guiraudon, et al.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 150, 2024-1, pp. 47-151.
Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Emploi, Aide à domicile, Care, Épidémie, Confinement, Risque professionnel, Personne âgée, Travail ménager, Genre, Assurance chômage, France, Autriche, Irlande, Amérique du Sud
Ce numéro apporte une contribution empiriquement fondée à la connaissance des transformations des emplois du care à domicile depuis le début de la crise du Covid-19. Il révèle non seulement les tentatives de plus grande inclusion de ces salariées aux régulations du monde du travail, mais aussi la persistance de phénomènes de fragmentation et d’exclusion. Il laisse néanmoins entrevoir, dans certains cas, que la pénurie de main-d’œuvre et la médiatisation du rôle des « premières lignes » ont changé de façon durable le rapport de force entre employées, employeurs, organisations et pouvoirs publics. Pendant la crise, les organisations engagées dans le care à domicile ont pu être impliquées de près dans les décisions publiques. Cela peut aujourd’hui les inviter à transformer leurs stratégies pour rester « visibles » et trouver des leviers de négociation.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 150, 2024-1, pp. 13-30.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Inceste, Mineur, Histoire familiale, Prise en charge, Institution, Viol, Abus sexuel, ASE, AEMO, Victime, Consentement, Parole
Oubliés des débats bien qu’omniprésents pour les professionnels du travail social, du soin et de la justice, les incestes commis par des mineurs génèrent des bouleversements spécifiques dans les familles françaises. Cet article est issu d’un travail en cours de thèse en anthropologie portant sur les familles faisant face à l’inceste entre mineurs et sur les reconfigurations familiales qui adviennent une fois le secret levé. Il présente deux familles dans lesquelles un enfant révèle avoir été victime d’inceste par son frère, à la suite de quoi elles font l’objet de prises en charge institutionnelles. Jusqu’alors indicible, l’inceste est raconté, répété, interprété par les membres de la famille et les professionnels. Au fil du temps et de la multiplication des contextes d’énonciation, les premiers récits discordants des auteurs et des victimes désignés de l’inceste présentent des variations : ils évoluent pendant que s’entremêlent des enjeux interpersonnels, familiaux et institutionnels. L’analyse porte sur un questionnement issu d’un terrain ethnographique au sein d’un service de protection de l’enfance spécialisé : comment restituer les expériences des mineurs auteurs d’inceste et de leur famille, lorsque la vérité apparaît comme une donnée variable, incertaine, affective, individuelle ou collective, qui suscite adhésion ou contestation, mais avec laquelle il est indispensable de composer ?
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 149, 2023/4, pp. 15-35.
Mots clés : Lien social-Précarité, Genre, Inégalité, Homme, Femme, Salarié, Organisation du travail, Autonomie, Conditions de travail, Temps, Aménagement du temps
De nombreux travaux rendent compte d’inégalités persistantes entre hommes et femmes salariés sur le marché du travail. Les inégalités d’autonomie temporelle, c’est-à-dire de libertés dans l’agencement de leur temps de travail rémunéré, restent en revanche méconnues. À partir des enquêtes Conditions de travail de 2013, 2016 et 2019 et de 38 entretiens réalisés entre 2019 et 2021 auprès de salariés, cet article examine les écarts d’autonomie temporelle entre femmes et hommes et leurs déterminants. Toutes choses égales par ailleurs, une femme salariée a moins de chances qu’un homme de pouvoir modifier ses horaires de travail, s’absenter librement et ne pas subir de contrôle de présence, ce qui peut venir d’un traitement différencié sur le marché du travail ou des préférences genrées antérieures à la vie professionnelle. Toutefois, même lorsque ces différences sont contrôlées, l’autonomie des hommes et des femmes salariés évolue différemment au fil des changements familiaux et professionnels. Ces derniers tendent à encourager les mères plus que les pères à prendre en charge l’articulation famille-travail, ce qui rattache à nouveau les femmes à la sphère domestique et les hommes à la sphère professionnelle.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 149, 2023/4, pp. 129-138.
Mots clés : Lien social-Précarité, Épidémie, Milieu rural, Tourisme, Loisir, Territoire, Temps libre, Mobilité géographique, Nièvre
La crise liée à la pandémie de Covid-19 a permis de rendre plus attractifs des territoires jusque-là peu ou pas touristiques. Densité moindre, nouvel environnement quotidien et nouveau rythme de vie couplé parfois à un changement professionnel ont convaincu certaines personnes d’une installation à plus long terme. Le département de la Nièvre, par exemple, a profité de l’élaboration de sa stratégie touristique territoriale pour orienter ses actions vers l’accueil de nouvelles populations résidentes. Cet article a pour objectif de proposer une analyse croisée des productions institutionnelles et scientifiques relatives à l’attractivité nouvelle de certains territoires, notamment ruraux. Plus spécifiquement, il permet de questionner ce que l’organisation des territoires en matière d’attractivité (touristique, résidentielle et de loisirs) fait à l’articulation des temps sociaux en interrogeant les (ré) organisations observables, notamment, au sein des sphères professionnelles, familiales et de loisirs.
Article de Caroline Datchary, Cécile Charlap, Julie Jarty, et al.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 149, 2023/4, pp. 109-127.
Mots clés : Lien social-Précarité, Genre, Femme, Mère, Parentalité, Technologie numérique, Médiation, Temps, Aménagement du temps, Famille, Espace, Confinement, Télétravail, Aménagement de l'espace
Du fait de la pandémie de Covid-19, les confinements de 2020 en France ont constitué une mise à l’épreuve de l’articulation des sphères d’activité. Basé sur une enquête ethnographique par entretiens, cet article propose de mieux évaluer les relations entre technologies numériques et articulation des temps sociaux et de montrer ce que les activités médiées par le numérique produisent en termes de genre dans les familles confinées. Après avoir démontré que toute activité est transformée dès lors qu’elle est médiée numériquement, cet article s’intéresse à l’inscription spatiotemporelle des activités numérisées, ainsi qu’à l’articulation des technologies entre elles, puis met en évidence le travail invisible nécessaire pour rendre les activités de chacun et de chacune compossibles au sein du foyer confiné. Il apparaît que ce travail incombe pour l’essentiel aux femmes, que ce soit en termes d’adaptations des outils techniques, d’organisation de l’espace ou de synchronisation des temps. Les conséquences de ce travail continu sur l’articulation des sphères d’activité ainsi que sa faible soutenabilité sont, enfin, analysées.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 149, 2023/4, pp. 91-107.
Mots clés : Lien social-Précarité, Genre, Femme, Aménagement du temps, Délégation, Mode de garde, Contrat, Management
Le recours à un service prestataire est souvent motivé par la nécessité de déléguer une partie des tâches qui nous incombe. En prenant l’exemple de la garde des enfants sur le temps périscolaire, cet article montre que le recours à des agences prestataires, spécialisées dans la garde d’enfants, correspond moins à une diminution du travail domestique et parental qu’à sa transformation. Largement subventionnées par les pouvoirs publics depuis les années 1990, ces agences apparaissent comme une nouvelle façon de penser l’articulation des temps de vie pour les parents actifs de classes moyenne et supérieure. Alors que le travail domestique et parental est encore largement assigné aux mères, celles qui travaillent recourent aux services d’agences lorsqu’elles ne peuvent faire appel aux solidarités familiales. Elles investissent ce service tant comme un moyen de déléguer la garde des enfants et la salarisation des intervenantes, que comme un mode de garde dont elles peuvent moduler la forme dans le sens de leurs pratiques et de leurs valeurs éducatives. S’appuyant sur des observations réalisées en agence et des entretiens auprès de parents-clients, d’intervenantes et de responsables d’agences, cet article montre que les mères actives voient leur charge mentale et gestionnaire s’accroître puisque l’encadrement de la main-d’œuvre et l’organisation de la prestation leur reviennent.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 149, 2023/4, pp. 73-90.
Mots clés : Lien social-Précarité, Genre, Femme, Autonomie, Temps, Aménagement du temps, Jeune, Milieu rural
Cet article explore l’influence du territoire rural sur le rapport au temps des jeunes femmes de classes populaires. Il repose sur une enquête ethnographique réalisée de 2017 à 2019 auprès de 54 femmes âgées de 18 à 28 ans. Cette étude dévoile d’abord la disponibilité permanente qui leur est demandée dans les sphères professionnelle, familiale et associative. Elles expérimentent très tôt les tensions de la conciliation, en raison de traits spécifiques aux espaces ruraux : une offre de services limitée, un marché du travail peu favorable aux femmes, des coûts et des temps de transport élevés, une interconnaissance forte. Elle pointe ensuite les conséquences de cette injonction à la disponibilité. Comme elles n’ont pas la maîtrise d’un temps « pour soi », ces jeunes femmes sont moins visibles sur la scène publique locale.
Paru dans la revue Revue des politiques sociales et familiales, n° 148, 2023/3, pp. 119-128.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Protection de l'enfance, RGPD, Recherche, Information, Sécurité, Intimité
Enquêter en protection de l’enfance, c’est produire de la connaissance tout en assurant le droit au respect de la vie privée des principaux concernés. Aujourd’hui, les règles relatives à la protection de données à caractère personnel, au niveau national comme européen, rendent particulièrement difficile la conciliation des droits des parents et des droits reconnus aux enfants et exercés, sauf exception, par les titulaires de l’autorité parentale, avec la production de connaissances fiables et scientifiquement établies. L’étude des tensions juridiques à l’œuvre lorsqu’il s’agit de développer la recherche sur l’enfance fait l’objet de peu d’écrits et il n’existe pas encore de doctrine partagée sur l’interprétation des textes en vigueur. Cet article propose une première réflexion sur ce sujet.
L’article porte sur la pluralité des expériences familiales et éducatives d’enfants des classes supérieures scolarisés en CM2 dans une école catholique parisienne. Leur discours a été recueilli par des entretiens (n = 26) et un questionnaire (n = 52) distribué à l’issue d’une ethnographie d’un an dans l’école. Selon le cadre familial dans lequel ils grandissent, les enfants entretiennent des rapports différenciés à leurs parents, frères et sœurs et camarades d’école. Dans les familles « traditionnelles », les relations parents/enfants sont fondées sur une autorité naturelle de l’adulte et les enfants passent un temps considérable avec leur fratrie et leurs amis d’école. Par contraste, les enfants de « managers » ont davantage de pouvoir, dans le rapport aux adultes, pour affirmer leur individualité, tandis qu’ils développent une grande autonomie avec leurs pairs. Enfin, les enfants d’« intellectuels » tissent avec leurs parents des relations fondées sur le dialogue et un idéal égalitaire ; ils sont davantage distants de leurs pairs. De ces configurations familiales résultent des identités et des dispositions enfantines différenciées.