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À l'heure des hashtags "metoo", "metoogay","metooinceste", les agressions seraient-elles toujours et encore sexuelles ? À l'heure d'une forme de libération de la parole qui souligne paradoxalement la difficulté à parler, à être entendu ou à pouvoir consentir, y aurait-il d'autres agressions que sexuelles ? S'agit-il d'un sexuel aux prises avec la destructivité et la déliaison ou d'un sexuel esclave de sa dimension pulsionnelle brute d'exigence coûte que coûte de satisfaction ?
En temps de Covid, l'expression de la souffrance psychique bouscule les repères théoriques et nous invite à nous reposer la question d'une origine toujours sexuelle des agressions.
L'augmentation saisissante des tentatives de suicide et des troubles des conduites alimentaires chez les adolescent.e.s en post-confinement ouvre la réflexion sur ce qui vient agresser, faire obstacle, réactiver un traumatisme dans la situation actuelle de pandémie. L'incertitude, la perte de contrôle, l'absence de perspective, le renoncement à la vie amicale, amoureuse, sociale, aux activités de loisirs, aux plaisirs des sorties au café, au cinéma ou au stade, participe à une forme de violence et d'agression dont les adolescent.e.s sont particulièrement victimes. Comment faire face à l'agression pulsionnelle interne inhérente au processus adolescent et comment consentir aux sacrifices liés au couvre-feu, au confinement et autres mesures barrières sans crainte d'une guerre à mener sur deux fronts, et donc difficilement gagnable ?
À considérer que toute agression est nécessairement sexuelle, les psychanalystes d'adolescent.e.s courent le risque de se voir de nouveau renvoyés à un pansexualisme recouvrant l'ensemble de la compréhension psychique. Car que faire des auto-agressions que sont le suicide, les automutilations et les troubles des conduites alimentaires ? Ces attaques du corps sont-elles prises, elles aussi, dans un réseau représentationnel inconscient et dans les effets de l'après-coup typique de la sexualité humaine ?
Comment penser les excès de liaison induits par la collusion entre l'agression sexuelle et la dessication entrainée par la déliaison mortifère de l'agression ?
À partir de cette question provocatrice, nous souhaitons porter notre attention sur les adolescent.e.s victimes et auteurs d'agression. Quels dispositifs de soin et quels aménagements du cadre thérapeutique face aux effets et aux conséquences des agressions sexuelles ? Quelles modalités d'accueil face aux agressions qui seraient au-delà ou en deçà de cette valence sexuelle.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, n° 63-1, janvier-mars 2022, pp. 7-34.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Désir, Sexualité, Socialisation, Inégalité, Classe sociale, Genre, Corps, Adolescent
Les grandes enquêtes quantitatives ont constaté l’existence de différences sociales dans les manières de vivre le désir sexuel. Envisageant ces différences comme un foyer d’inégalités dans la sexualité, cet article cherche à comprendre comment se fabriquent de telles différences entre groupes sociaux, notamment en fonction du genre et de la classe sociale. S’appuyant sur une enquête par entretiens biographiques conduits auprès d’individus aux profils sociaux diversifiés, il envisage l’apprentissage du désir comme un parcours qui commence au cours de l’enfance et se poursuit tout au long de la vie, et qui met en jeu des expériences se déroulant dans plusieurs sphères sociales. Il montre alors que la socialisation au désir opère en transmettant un ensemble de dispositions corporelles – via la pratique répétée d’activités physiques – et de dispositions mentales – via l’incorporation instantanée ou conscientisée de cadres interprétatifs et de répertoires de significations. Ainsi, l’article établit, d’une part, que les hommes sont davantage socialisés au désir que les femmes. Il conclut, d’autre part, que la socialisation enfantine et juvénile que connaissent les femmes issues des classes populaires inscrit plus durablement des dispositions au désir que celle qui s’opère à l’âge adulte, chez les femmes appartenant aux classes moyennes et supérieures, et via l’appropriation de grilles d’analyses féministes ou psychologiques.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 63, tome 1, janvier-mars 2022, pp. 65-111.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Mixité sociale, Amitié, Sociabilité, Conflit, Adolescent, Collège, Classe sociale, Réseau, Sociologie
La plupart des travaux portant sur la mixité sociale au collège se sont focalisés sur la composition socioprofessionnelle des établissements. En revanche, l’état des relations entre élèves au sein des établissements mixtes est mal connu. Se pose en particulier la question de l’homophilie sociale, c’est-à-dire de la propension des élèves à avoir des amis dont l’origine sociale est proche de la leur. Le présent article analyse les réseaux de relations de 861 élèves suivis entre leurs classes de 6e et de 3e, au sein de quatre collèges caractérisés par un fort degré de mixité sociale. Il mesure l’impact de l’origine socioprofessionnelle sur les amitiés et inimitiés des élèves, et le compare à celui d’autres facteurs d’homophilie (genre, notes et origine migratoire). Trois grands résultats sont identifiés. D’abord, il existe bien de l’homophilie sociale, plus prononcée parmi les amitiés fortes ainsi que celles qui se déploient à l’extérieur de l’établissement. Ensuite, l’origine sociale ne semble pas avoir d’effet significatif sur les inimitiés entre élèves. Enfin, la force de l’homophilie varie fortement d’un établissement à l’autre, suggérant un rôle important du contexte scolaire local.
Article de Lucie Carpentier, Dominique Bardou, Julie Urbain
Paru dans la revue Thérapie familiale, vol. 43, n° 1, janvier 2022, pp. 65-78.
Mots clés : Santé mentale-Souffrance psychique, Accueil enfant-parents, Adolescent, Psychothérapie, Médiation, Atelier, Relation familiale, Santé mentale, Qualité de la vie, Affectivité
La prise en charge psychothérapeutique des adolescents n’est pas simple : les thérapies individuelles dans cette population sont difficiles à mettre en place, raison pour laquelle les groupes et médiations thérapeutiques ainsi que la thérapie familiale sont privilégiés. Face à ce constat, nous avons décidé de mettre en place une médiation parents-adolescents « Savate bien ? ». Il s’agit d’ateliers de groupes multifamiliaux où des analogies entre le sport et la communication permettent une expérimentation corporelle des relations familiales. C’est une mise en situation expérientielle. L’atelier est apprécié, pertinent et novateur tant du point de vue des familles que des soignants. Naturellement, il a sa place au sein d’un dispositif de soins plus large.
Paru dans la revue Thérapie familiale, vol. 43, n° 1, janvier 2022, pp. 47-64.
Mots clés : Enfance en danger-Protection de l’enfance, Placement, Enfant placé, Fin de la prise en charge, Majorité, Adolescent, Jeune en difficulté, Institution, Séparation, Autonomie, Psychothérapie institutionnelle, Snoezelen, Bruxelles
Pour les adolescents placés en institution, l’approche de la majorité à 18 ans devient parfois un mirage rêvé ou un fantasme cauchemardesque qui provoque un départ prématuré en forme de rupture. Si la séparation s’impose à l’arrivée de la majorité, pour qu’elle ne devienne pas rupture, elle doit déjà s’inscrire au départ, dès la prise de contact. En effet, grandir en autonomie n’implique pas de devenir un être indépendant solitaire mais plutôt de trouver sa place dans la danse relationnelle de l’interdépendance faite d’aller et retour. La thérapie institutionnelle qui nécessite une approche interdisciplinaire tente cette danse relationnelle dans le monde du sentir propre à l’ambiance du milieu humain (E. Dessoy) et à la modalité du contact (J. Schotte). Un atelier Snoezelen vient concrétiser cet effort de modélisation.
L’espace Claude-Chassagny est un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) spécialisé qui propose une approche thérapeutique pluridisciplinaire du décrochage scolaire chez les adolescents (de 12 à 20 ans). D’un point de vue systémique, le décrochage scolaire est envisagé comme le symptôme qui témoigne d’une situation de mal-être d’un adolescent et d’un niveau d’alerte du fonctionnement du système familial. Au sein du CMPP, la mise en articulation du travail individuel avec un travail familial permet à l’adolescent d’accéder à l’autonomie en se libérant de loyautés aliénantes. Cette prise en charge psychothérapeutique s’inscrit également dans un travail de réseau qui implique la mise en articulation de l’ensemble des intervenants dans la situation de l’adolescent : école, famille, intervenants sociaux et institutions soignantes.
Article de Nicolas Rabain, Jean-Christophe Maccotta, Julie Kristeva, et al.
Paru dans la revue Adolescence, tome 39, vol. 2, n° 108, juillet-décembre 2021, pp. 251-432.
Mots clés : Jeunesse-Adolescence, Adolescent, Jeune en difficulté, Radicalisation, Marginalité, Lien social, Définition, Incasable, État limite, ITEP, PJJ, Violence, Décrochage scolaire, Inceste
En abordant les nouvelles formes de destructivité chez les adolescents dits « incasables », les auteurs soutiennent un abord pluridisciplinaire des soins. Selon eux, il est crucial de tenir compte non seulement de leurs symptômes, mais aussi de leurs parcours, de leurs carences et de leurs entraves, sans oublier leurs désirs et leurs fantasmes. Ainsi pourront-ils conserver une trace des capacités de contenance et d’élaboration des adultes qu’ils auront rencontrés dans leur parcours de soin.
Article de Isée Bernateau, Marion Robin, Vincent Cornalba, et al.
Paru dans la revue Adolescence, tome 39, vol. 1, n° 107, janvier-juin 2021, pp. 13-223.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Adolescent, Environnement, Écologie, Milieu naturel, Militantisme, Politique, Jeune, Vulnérabilité, Croyance, Psychothérapie
La passivation adolescente semble révolue avec l’avènement d’une jeunesse citoyenne mobilisée pour la défense du vivant. Mais le sauvetage du contenant a un coût extrême pour le sujet en développement si l’adulte ne l’assure pas lui-même, comme le montre la clinique de certains adolescents suicidaires, chez qui les reproches aux adultes ne peuvent plus se faire que par les passages à l’acte, et non plus par les mots ou par les actes.
Paru dans la revue Adolescence, tome 38, vol. 2, n° 106, juillet-décembre 2020, pp. 319-531.
Mots clés : Accompagnement de la personne et identité, Adolescent, Bisexualité, Genre, Anorexie, Homosexualité, Psychothérapie, Identité sexuelle, Psychanalyse
L’auteur propose une réflexion théorique et clinique sur l’homosexualité à l’entrée dans l’âge adulte. À partir de la psychothérapie d’une jeune femme de vingt ans, sont explorés les destins du transfert homosexuel et de sa latéralisation en termes de choix d’objet et d’identification. Entre le complexe d’Œdipe au féminin et l’élaboration d’un deuil de l’enfance, les enjeux narcissiques et sexuels du masochisme et de la mélancolie se déploient au sein d’un processus marqué par la violence pulsionnelle et son devenir.
La psychothérapie d’une adolescente par le psychodrame psychanalytique questionne le statut des personnages de fiction issus des figurations scéniques. Le renouvellement d’un lien tolérable aux objets mis à mal par le repli narcissique est souligné tout comme l’intérêt des objets singuliers que véhiculent les fantasmes de " bisexualité psychique " et de " scène primitive ". La mobilité des places qu’ils permettent constituent un soutien à l’entreprise adolescente de séparation et d’individuation.
Article de Benjamin Assayag, Olivier Taieb, Marie Rose Moro, et al.
Paru dans la revue L'Autre, vol. 21, n° 3, juillet-septembre 2020, pp. 340-349.
Mots clés : Immigration-Interculturalité, Mineur non accompagné, Pays d'origine, Pays d'accueil, Lien social, Filiation, Migration, Adolescent, Relation familiale
Les mineurs non accompagnés constituent une population vulnérable au carrefour de deux situations critiques : adolescence et migration. Nous nous sommes intéressés aux modalités de filiation, d’affiliations et de gestion des différences des liens entre le pays d’origine et le pays d’accueil et avons rencontré pour cette étude cinq jeunes suivis en psychothérapie. La méthode a consisté en deux entretiens semi-structurés avec interprète et l’utilisation d’un outil narratif, le self dialogique. L’analyse phénoménologique des entretiens permet de déterminer plusieurs thèmes. D’une part, le lien aux éducateurs est comparé aux liens aux parents alors que les liens aux amis s’apparentent à des liens fraternels. D’autre part, les liens à l’école et au travail semblent centrés sur la performance. Enfin, l’étude des différences entre le pays d’origine et le pays d’accueil a fait apparaître plusieurs notions : une non comparabilité, les notions de perte et de gain, une relative stabilité des représentations antérieures, ainsi qu’une tentative d’explication des différences et des stratégies d’adaptation à l’œuvre.