Article de Didier FASSIN, Carolina KOBELINSKY
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 53, n° 4, octobre-décembre 2012, pp. 657-688.
Mots clés : Droit d'asile, Sociologie, Justice, Perception, Vie politique, Institution
Depuis la Seconde Guerre mondiale, l'asile a fait l'objet d'une institutionnalisation dans le cadre de la Convention de Genève de 1951. En France, la Cour nationale du droit d'asile examine les recours des déboutés de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Son activité se déploie dans un contexte où le discours public fait prévaloir le doute sur le bien-fondé de la majorité des demandes, le taux d'admission en première instance étant passé de neuf à un sur dix en trois décennies. Nous nous intéressons à la manière dont les transformations de l'économie morale de l'asile, de la confiance au soupçon, se traduisent dans les pratiques de justice locale, fondées sur des principes d'indépendance et d'équité. Nous appuyant sur une enquête par observation et entretien conduite pendant dix-huit mois, nous analysons les recommandations des rapporteurs et les décisions des formations de jugement. Nous montrons qu'au-delà de la diversité de leur profil sociologique les rapporteurs se distinguent peu dans leurs avis, tandis que, sous l'effet des logiques institutionnelles, les différences entre les formations de jugement se corrigent. La tension qui s'instaure ainsi entre les idéaux et les normes de la protection asilaire, d'une part, l'injonction des politiques et la routine des pratiques, d'autre part, se résout dans le sentiment que le principe de l'asile est d'autant mieux défendu que l'accès en est restreint.
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Article de Mathilde DARLEY
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 34, n° 2, pp. 229-239.
Mots clés : Droit d'asile, Enfermement, Immigration, Étranger, Institution, Identité, Réfugié, Enquête, Illégalité, Observation, Émotion, Norme sociale, SENTENSE, Clandestinité, RETENTION ADMINISTRATIVE, ETHNOGRAPHIE, AUTRICHE, REPUBLIQUE TCHEQUE
Cette contribution interroge, à partir d'enquêtes conduites dans les lieux d'enfermement pour demandeurs d'asile et migrants en situation irrégulière en Autriche et en République tchèque, le rôle de ces espaces dans la production des catégories du « réfugié » et du « clandestin ». L'observation ethnographique de la situation d'entretien entre agents de l'Etat et migrants détenus est envisagée ici comme un moment particulier permettant d'appréhender les processus de catégorisation, par l'institution, des migrants détenus, mais aussi les modes de contournement ou de réappropriation par les migrants des catégories normatives qui fondent l'ordre institutionnel en détention.
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Article de Nicolas FISCHER
Paru dans la revue Déviance et société, vol. 34, n° 2, pp. 241-252.
Mots clés : Droit d'asile, Prostitution, Corps, Représentation sociale, Contrainte, Relation femme-homme, Enfermement, Immigration, Étranger, Mixité, Sexualité, Réfugié, Enquête, Différenciation sexuelle, Espace, Discipline, Stigmatisation, Déviance, RETENTION ADMINISTRATIVE, ETHNOGRAPHIE, AUTRICHE, REPUBLIQUE TCHEQUE
En s'appuyant sur une série d'observations ethnographiques, cette contribution s'intéresse à la gestion des conduites sexuelles et de la cohabitation entre les sexes dans un centre de rétention administrative pour étrangers éloignés du territoire. La gestion de la différence sexuelle y est d'autant plus complexe que les centres de rétention constituent des espaces non pénitentiaires où la discipline doit s'exercer souplement. Après avoir présenté le régime « libéral » d'enfermement, l'article revient sur des situations où les gestionnaires du centre ont dû eux-mêmes définir la norme du « bon » rapport entre les sexes. Ils sont alors placés dans une tension entre la stigmatisation des pratiques généralement jugées déviantes - notamment la prostitution - et leur acceptation dans le contexte d'un lieu de confinement prolongé.
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