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De 1970 à 2002, la dépression a augmenté en France notamment sous les effets conjugués de l'affaiblissement de l'intégration conjugale et des modifications des règles structurant l'intériorité de l'individu. L'augmentation des divers effectifs de personnes seules a cristallisé cette moindre intégration conjugale. La crise économique qui a suivi les Trente Glorieuses, les injonctions sociales à être un soi distinct et performant sont intervenues simultanément, modifiant la régulation du sujet. En mobilisant les données relatives à la dépression et au suicide, en conjuguant les approches micro et macro, il est possible d'évaluer les effets de la progression des diverses catégories de personnes seules sur la dépression et de mieux appréhender l'impact des tensions liées à la crise économique des années 1980. L'examen en termes de chocs et d'état ordinaire du veuvage ou du chômage débouche sur l'hypothèse d'un modèle d'adaptation aux tensions, substituant une nouvelle normalité à l'ancienne, plutôt que sur celui d'une progression continue.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 54, n° 2, avril-juin 2013, pp. 369-400.
Mots clés : Logement, Classe sociale, Pauvreté, Logement insalubre, Statut social, Interaction, Sociologie, PARIS
À partir de l'exemple des occupants de logements dégradés parisiens, cet article s'intéresse à l'importance de l'habitat dans les mécanismes de classement social et aux interdépendances entre les positions sociales et résidentielles chez ces personnes précaires. L'occupation d'un logement disqualifié implique une dégradation du statut dans la société, surtout pour les personnes qui font l'expérience du « déclassement résidentiel » (i.e. ne parvenant pas à se loger convenablement malgré leur relative intégration, en raison de la conjoncture immobilière). Loin d'être passifs, les mal-logés tentent de lutter contre cette déchéance et aspirent à un reclassement tant résidentiel que social grâce au logement social. Cependant, pour les plus démunis, le relogement peut être porteur d'un certain malaise quand il s'accompagne d'un « surclassement résidentiel », c'est-à-dire lorsque le statut social n'est pas « à la hauteur » du nouveau statut résidentiel. Dans leur cas, les positions résidentielle et sociale fonctionnent comme des vases communicants : contraints d'arbitrer entre logement et consommation, il leur est impossible de s'élever dans l'une des hiérarchies sans se voir rabaisser dans l'autre. Ordres social et résidentiel sont donc étroitement imbriqués et toute modification dans l'un des ordres non suivie d'une modification similaire dans l'autre ordre a des effets psychologiques et sociaux importants.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 54, other janvier-mars 2013, pp. 83-110.
Mots clés : État, Bureaucratie, Administration, Sociologie, Organisation, Ressources humaines, Fonction publique, Organisation du travail, Secteur public, Secteur privé, Interaction
Le transfert de méthodes de gestion issues du secteur privé a régulièrement été présenté par les réformateurs de l'administration comme la solution à son mal supposé : la bureaucratie. L'article repose sur l'enquête « Changement organisationnel et informatisation » (COI), qui interroge les entreprises et administrations sur les outils de gestion qu'elles utilisent, et leurs salariés sur divers aspects du travail, comme les incitations salariales ou les modalités de prescription et de contrôle. De ce regard porté sur l'administration, à partir de catégories habituellement mobilisées pour décrire le travail dans les entreprises, il ressort que, si la politique salariale suit encore un modèle égalitaire de fonctionnariat, la prescription et le contrôle du travail peuvent dans certains cas - et en particulier dans les ministères économiques et financiers, qui ont le plus mis en ouvre les nouveaux outils de gestion - être plus poussés que ce que l'on observe dans les secteurs comparables du privé. L'appropriation des méthodes de gestion issues du privé se traduit ainsi moins par un affaiblissement que par un plus net accomplissement de la bureaucratie.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 53, n° 4, octobre-décembre 2012, pp. 651-655.
Mots clés : Morale, Justice, Sociologie, Vie politique, Idéologie, Interaction, Institution, Norme sociale
Ce que nous cherchons à saisir, c'est le double mouvement par lequel les politiques trouvent leur expression dans des institutions qui circonscrivent les pratiques des agents et, simultanément, les pratiques des agents façonnent les institutions qui, à leur tour, configurent les politiques, en considérant les institutions non comme des réceptacles des unes et des autres, mais comme des dispositifs qui régulent en même temps qu'ils sont régulés. Notre analyse porte sur des institutions particulières : celles qui ont à voir avec l'action de rendre la justice.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 51, n° 2, avril-juin 2010, pp. 281-320.
Mots clés : Couple, Âge, Différence, Mariage, Sociologie, Statistiques, Statut social, Modèle, Interaction, Niveau scolaire, Catégorie socioprofessionnelle
Pourquoi, dans la quasi-totalité des sociétés humaines connues, les hommes sont-ils en moyenne plus âgés que leur conjointe ? Et comment - et pourquoi - l'écart d'âge moyen entre conjoints varie-t-il avec le développement socioéconomique (au fil du temps aussi bien qu'entre sociétés) et, entre couples, avec les âges des hommes et des femmes à la mise en couple, ainsi qu'avec la position sociale des hommes ? Pour le savoir, nous proposons une revue de la littérature empirique internationale sur le sujet, ainsi qu'un modèle explicatif indiquant quelles seraient les « bonnes raisons » que pourraient avoir les individus de former des couples comportant un écart d'âge entre conjoints au profit de l'homme. Un test empirique de ce modèle explicatif portant sur les couples formés en France entre 1978 et 1998 suggère que ce dernier possède un bon pouvoir explicatif, même si, en lui-même, il ne permet pas d'expliquer l'inversion du gradient social de l'écart d'âge entre conjoints survenue dans la seconde moitié du XXe siècle, qui est sans doute due à la prolongation de la scolarité des hommes.
Les rapports sociaux d'habitation ne sauraient se réduire aux seules relations de voisinage. Selon les agencements sociaux et les types d'habitat, ils peuvent également mettre en jeu des relations de location, des relations de copropriété et des relations de service et de travail avec des gardiens d'immeuble. De plus, ces rapports d'habitation ne renvoient pas seulement aux interactions entre individus et entre groupes, mais aussi au cadre institutionnel et juridique, avec les différents acteurs et organisations intervenant dans les questions d'habitat et de logement, et l'ensemble des réglementations et des lois encadrant les pratiques. La notion de configuration résidentielle permet de rendre compte de cette double complexité. Cette notion est ici mise en lumière à travers l'étude historique et ethnographique des relations entre différentes catégories d'habitants dans un immeuble haussmannien parisien, au cours des cinquante dernières années.