Ces deux dernières décennies, les secteurs social et médico-social ont connu de profondes mutations, influencées par de multiples facteurs, comme les réformes successives des politiques publiques, l'avènement des démarches qualité, de la performance... Or, "l'injonction au changement", soutenue par des méthodes classiques de management entraîne, le plus souvent, une perte de sens chez les professionnels et donc, une souffrance au travail. En effet, "on empile les réformes, les projets, les initiatives. On met l'ensemble du système dans une agitation permanente comme si ce bouillonnement allait sortir magiquement une nouvelle organisation plus satisfaisante, comme si le changement était en lui-même facteur de progrès et comme si tous ceux qui résistaient étaient des conservateurs uniquement par leurs droits acquis".

Ces quinze dernières années, les secteurs social et médico-social ont connu de profondes mutations, qui les ont conduits à déconstruire leurs anciens schémas, pour s'ouvrir à de nouvelles configurations, avec une centralité affirmée - celle du bénéficiaire comme sujet de droits... L'enjeu est de taille pour les cadres de l'intervention sociale, puisqu'ils doivent être en capacité de construire des réponses innovantes et adaptables aux diverses situations rencontrées, tout en considérant les évolutions environnementales ; ce qui implique qu'ils développent un certain nombre de compétences en matière d'expertise, de diagnostic, de conduite de projets, d'apprentissage au changement, ainsi qu'une véritable ingénierie de la prise de décision...

Cet article aborde les questionnements et préoccupations des chefs de service des établissements sociaux et médico-sociaux en cherchant à leur proposer une interprétation sociologique à la lumière du croisement de deux théories : l'action située et l'analyse stratégique et systémique. Ainsi les questionnements du positionnement et de la posture ou du style de management sont-ils analysés en les replaçant dans les contextes organisationnels singuliers au sein desquels ils émergent. Une telle analyse a pour conséquence une relativisation et une réinterprétation du discours managérial dominant sur les pratiques que devraient adopter les chefs de service. L'article s'appuie sur les résultats d'une enquête statistique réalisée en 2012 auprès d'un échantillon significatif de chefs de service (232).
L'article montrera que :
les discours tenus par les chefs de service sur leur positionnement sont des constructions contingentes qui prennent sens au sein de configurations organisationnelles et de trajectoires singulières ;
les pratiques concrètes qu'ils adoptent pour "manager" leur(s) équipe(s) comportent une dimension stratégique et doivent être considérées comme des logiques d'action.