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Aujourd’hui, plus de 3 millions de Français vivent avec un cancer ou en ont guéri (INCA, 2018). Les progrès médicaux, qui ont permis de réduire la mortalité liée à cette maladie, ont fait émerger de nouvelles problématiques sociales liées à l’après-cancer. Si les questions du retour au travail (Tarantini et al., 2014) ou de l’assurabilité (Dumas et al., 2017) ont bénéficié d’une certaine attention, celle de l’accès à la parentalité a été peu étudiée. Pourtant, les études de l’INCA sur la vie après un cancer montrent que la maladie et ses traitements n’impliquent pas un renoncement à la parentalité pour les individus concernés (INCA, 2012, 2018). Mais qu’en est-il de la réalisation effective des projets parentaux déclarés dans ces enquêtes ? Il convient de s’interroger sur les conditions du devenir parent après un cancer, en particulier sur les formes d’empêchement auxquelles les personnes concernées peuvent être confrontées.
À partir d’une enquête ethnographique menée dans une clinique de fertilité belge, cet article examine plusieurs stratégies déployées par le corps médical afin de réajuster les attentes des couples qui multiplient les essais infructueux de fécondation in vitro (FIV). À ce moment du parcours, il est proposé au couple une dernière tentative avec ses propres gamètes avant un éventuel passage vers le don d’ovocytes, celui-ci éliminant le lien génétique maternel. Par l’analyse de scènes ethnographiques où se jouent de tels dilemmes, je situe l’espoir d’être parent et le deuil de la fertilité comme deux outils discursifs complémentaires permettant de réorienter les trajectoires affectives des partenaires. Cette redistribution de l’espoir peut néanmoins se heurter à la résistance des couples dans un contexte d’incertitude inhérent à la prise en charge. Il apparaît alors que le renoncement à la norme de l’enfant biologique permet d’accéder à d’autres formes de maternité et de parentalité qui ne sont pas forcément fondées sur le lien génétique mais sont soumises à condition.
Paru dans la revue Le Journal des psychologues, n° 396, avril 2022, pp. 72-78.
Mots clés : Enfance-Famille, Famille, Relation familiale, Évolution, Désir d'enfant, Enfant, Adolescent, Corps, Trouble du comportement
L’auteur retrace les origines de la dépendance, en interrogeant les limites entre le normal et le pathologique à travers l’histoire de la société occidentale. L’adolescence, tout comme l’accroissement des états limites, les pathologies narcissiques et les troubles du comportement sont ainsi abordés par le biais de la psychopathologie contemporaine. C’est à travers cette pluralité mouvante, dont la famille est notamment le creuset, que se dessinent les nouveaux contours de la construction individuelle, dans nos cultures occidentales.
Comment faire couple ? Et comment faire vivre son couple ? Pour répondre à ces questions, Ivy Daure apporte une nouvelle perspective stimulante en pensant la relation de couple comme un lieu, un espace de création et d'évolution. Les lieux physiques (maison de famille, restaurant particulier...) et les lieux symboliques (de ce qui fait conflit, de ce qui fait rencontre et lien) de la relation deviennent une source de lecture : la "topoanalyse conjugale" .
Par des apports théoriques et de nombreux cas cliniques, l'autrice explore les territoires d'intimité contenus et contenant la relation : la rencontre, la sexualité, la parentalité, la séparation, la retraite, la maladie d'un enfant, le couple culturellement mixte, la cyber-relation, le travail, la non-cohabitation... Elle donne à voir au lecteur des pistes de travail concrètes pour utiliser la topoanalyse conjugale, un outil thérapeutique novateur en thérapie de couple, mais aussi familiale et individuelle.
L’article interroge, à travers une vignette clinique, le désir d’enfant et l’infertilité secondaire en étant à l’écoute des enjeux inconscients et des représentations socioculturelles gabonaises. Il repère comment le recours à l’AMP n’exclut pas l’adhésion aux croyances traditionnelles de la malédiction. La recherche s’appuie sur une méthodologie qualitative et intègre la libre réalisation de l’arbre généalogique. L’utilisation de la médiation projective permet d’investiguer les liens familiaux, conjugaux et la place fantasmatique de l’enfant dans l’espace généalogique. L’analyse souligne, sur le plan intrapsychique, une conflictualité œdipienne non résolue. Elle pointe le passage obligé par la maternité pour accéder à un statut social valorisé soutien de l’identité féminine.
Le couple est parfois bousculé lors de l’arrivée d’un enfant qui oblige à un réaménagement de l’héritage psychique et des alliances fondatrices de la conjugalité. Des résistances s’installent, surtout lorsque les liens se sont organisés pour immobiliser le réveil de souffrances générationnelles. Le cas singulier d’une difficile conception d’un enfant, présenté pour sa valeur paradigme, nous aide à comprendre le laborieux passage entre conjugal et parental. Nous verrons notamment comment un climat d’incestualité dans la famille ancienne va conduire à un rejet de la maternité. La thérapie de couple dès le désir d’enfant, puis la thérapie familiale au temps de la grossesse aident à comprendre les craintes ou les effrois ressentis à l’idée de devenir parent. L’analyse des mouvements transférentiels et contretransférentiels soutient ce travail et permet de penser les organisations défensives mobilisées face aux traumatismes mis sous silence par les familles d’origine.
Paru dans la revue Dialogue, n° 223, mars 2019, pp. 69-87.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Enfance-Famille, Maladie génétique, Couple, Diagnostic, Décision, Désir d'enfant, Conflit, Psychothérapie, Annonce de la maladie, Traumatisme, Filiation
Lorsque l’un des membres d’un couple est porteur du gène responsable de la maladie de Huntington, le couple se trouve devant différents choix procréatifs possibles : avoir recours à un diagnostic prénatal, à un diagnostic préimplantatoire, concevoir naturellement un enfant en prenant le risque de lui transmettre la maladie, opter par la décision radicale et douloureuse de ne pas avoir d’enfant. À travers des entretiens de couple est analysé dans cet article le devenir du désir d’enfant dans un tel contexte. L’imprévu du diagnostic de maladie génétique peut s’intriquer aux effets d’après-coup et se déployer selon deux configurations : la première où règnent la discontinuité, la passivation et la détresse et la seconde ou l’imprévisibilité peut accompagner un mouvement de transformation trophique pour le couple. Les positions subjectives de l’homme et de la femme peuvent se trouver insuffisamment conflictualisées lorsque l’un souhaite réaliser un projet d’enfant et l’autre refuse, craignant non seulement la transmission à l’enfant mais aussi les conséquences de la maladie sur son partenaire.
Paru dans la revue Dialogue, n° 222, décembre 2018, pp. 93-106.
Mots clés : Enfance-Famille, Procréation médicalement assistée, Don d'ovule, Désir d'enfant, Bioéthique, Embryon, Loi, Stérilité, Femme, Décision
Dans cet articles les auteures, sociologues, s'intéressent aux parcours et aux motivations des personnes infertiles qui se rendent à l'étranger pour recourir à un double don de gamètes, c'est-à-dire un don de sperme d'un côté, un don d'ovocytes de l'autre. Qu'il s'agisse de couples ou de femmes seules, le double don de gamètes est une pratique interdite en France depuis les lois de bioéthique de 1994. Seul le don d'embryon est autorisé, mais pour les couples hétérosexuels stériles. Pour explorer la question du choix entre double don et d'on d'embryon, les auteures ont mené des entretiens semi-directifs avec onze femmes dont trois étaient en couple hétérosexuel. Dans la grande majorité, leur préférence penche nettement du côté du double don. Cet article met en lumière et analyse les raisons de ce choix.
Le trope prometteur de la technologie devient le corrélat de l'identité, à même de modifier la biologie du corps de l'homme. Valeurs et pratiques humaines sont impactées jusqu'à la définition même de l'humain. Cet article négocie et critique les possibilités matérielles et symboliques de l'utérus artificiel (UA). Il s'agit d'une ethnofiction qui propose une réflexion prospective sur les enjeux de société d'une telle révision de modèles de parentés (en tant que système de croyances). Au cœur de la définition de l'espèce, l'UA parachèverait de dissocier sexualité et reproduction ; enfin, de façon complémentaire à d'autres technologies de la reproduction, modifierait en profondeur le projet d'enfantement en proposant à chacun un désir d'enfant.
« Un bébé tout seul, ça n’existe pas. » Cette phrase célèbre de Winnicott concerne particulièrement l’action médico-sociale précoce et les CAMSP qui accueillent de très jeunes enfants avec leur famille. Si l’on considère la parentalité comme un processus maturatif qui permettra à un homme, une femme, de répondre aux besoins de leur enfant pour que celui-ci se développe le plus harmonieusement possible, les professionnels concernés se doivent d’accompagner les nouveaux parents dans une construction qui se révèle parfois difficile.
Dans ce numéro nous envisagerons des situations qui peuvent compliquer l’accès à la parentalité. Soit parce que l’enfant tant attendu se révèle "différent", "hors-norme", soit parce qu’il est adopté, soit parce que les parents eux-mêmes sont porteurs d’un handicap, soit parce que l’évolution de notre société multiplie des situations "particulières" : homoparentalité, monoparentalité, procréation médicalement assistée... Et parfois la parentalité déraille et l’enfant est maltraité... Nous chercherons à comprendre ce qui se joue dans ces diverses situations et nous réfléchirons aux moyens d’accompagner les enfants et les familles concernées.