La lecture d’un ouvrage portant sur le burn-out écrit par sept femmes m’a fait réaliser, en tant qu’ancien manager exerçant avec passion dans le travail social, que je n’ai pas toujours eu conscience de l’énergie que je pressais mes salariés de déployer. Je lance un cri d’alarme en direction de tous ceux qui oublient que les êtres humains sont vulnérables.

Les assistantes sociales sont par définition motivées par le fait d’assister les personnes en difficulté, en situation de handicap, qui ont besoin d’elles pour résoudre des problèmes dans l’organisation de leur vie. Cependant, elles sont prises dans les mailles d’un filet qui les entraîne vers d’autres objectifs. Les modalités de modernisation visent à arracher le travail à la société. Ce dernier devient dès lors une affaire d’entreprise et de défi personnel bien plus que de société. Les assistantes sociales subissent au même titre que les autres salariés et agents des modes de domination et d’emprise managériale destinés à leur faire accepter une telle évolution.

La problématique de cet article réside dans la tension entre la commande passée aux cadres hiérarchiques de garantir la performance de l’organisation et la nécessité de pérenniser le sens des actions. Encadrer, c’est gérer des paradoxes. Il revient aux cadres d’ouvrir des voies qui se nomment citoyenneté, art du bricolage, pensée complexe, et qui supposent d’accepter les contradictions inhérentes au travail social, d’assumer l’aléa et de refuser les simplifications. Encadrer reposerait finalement sur la possibilité de prendre position dans ce champ de tensions, de cultiver la conflictualité, de travailler à partir des désaccords pour libérer les initiatives des acteurs de terrain.

Les cadres de l’action sociale sont confrontés à diverses évolutions qui posent ensemble des questions de motivation et de parcours, de qualification et de professionnalisation. Dans un environnement incertain renforcé par la crise sanitaire, le cadre reste un acteur central. Ces enjeux sont illustrés à travers l’expérience d’une collectivité territoriale (conseil départemental du Val-de-Marne) à partir d’une question simple : comment devient-on cadre en responsabilité d’établissement ?

Cet article en trois parties aborde en premier lieu la gouvernance des organisations du travail social à travers notamment le questionnement des assistants de service social sur le terrain. Ensuite, il scrute l’adaptation des professionnels à ce mode de management porté sur des logiques de gestion des dispositifs : « un problème-une solution », leurs répercussions sur les pratiques et les postures de ces professionnels habitués à une approche holistique, c’est-à-dire une vision globale et multidimensionnelle de la personne accompagnée. Le dernier point abordé est un exemple de politique publique qui, à elle seule, illustre le fait que les prescriptions pour effectuer le travail social varient d’un territoire à l’autre d’où les inégalités territoriales constatées.

À partir d'une expérience professionnelle de souffrance au travail, cette contribution livre une réflexion sur la gouvernance dans le travail social d'aujourd'hui.