Corps enfermé, incarcéré, corps-objet, assujetti, l’incarcération met à l’épreuve, de façon singulière, chaque détenu(e). À partir d’une expérience clinique auprès de femmes incarcérées, cet article propose d’interroger la question de l’infantile chez une mère mise en examen pour des faits de violences sexuelles. Que ce soit dans l’infanticide ou dans l’inceste, il s’agit toujours du meurtre d’un enfant. Ces crimes convoquent dans l’imaginaire collectif une figure maternelle cruelle, folle, voire impossible. Pour le clinicien, exerçant en détention, l’enjeu de tenir sa position d’écoute et d’accueil de cette cruauté insensée est essentiel, au risque sinon de la rupture thérapeutique. À la faveur du lien transférentiel, nous évoquerons la question de l’enfant sacrifié, réel ou imaginaire, et la résurgence dans ces cures d’expériences de détresse infantile, qui avaient contraint ces femmes à les répéter dans le réel du passage à l’acte.

En France, certaines prisons disposent de quartiers nurseries, accueillant les détenues enceintes et permettant à ces femmes de rester avec leur enfant durant dix-huit mois. L’article décrit les conditions en nurserie carcérale et les différents acteurs mobilisés autour de ces femmes. En partant de leur pratique au sein de l’équipe d’un smpr (Service médico-psychologique régional) en maison d’arrêt, les auteurs reviennent sur les différentes étapes de la mise en place du lien mère-bébé, de la grossesse à la séparation, dans le contexte spécifique de l’incarcération. Elles interrogent la manière dont le milieu carcéral peut impacter les capacités de rêverie maternelle, la construction de la dyade mère-enfant, le déploiement d’un lien sécure, les processus de séparation-individuation et l’introduction du tiers dans cette relation. L’article s’appuie sur des vignettes cliniques issues du dispositif de soin proposé à ces femmes par le smpr, notamment un groupe de parole.