PRISME travaille à la réalisation de deux bases de données bibliographiques : La première, Sciences et Action Sociales, constitue la base mutualisée du réseau. La deuxième, Thesis, est dédiée à la sélection et à l'indexation de thèses en travail social. Elle est le fruit d'un partenariat avec le CNAM-CDFT.
Que l’adolescent soit puni dans sa chambre, au motif qu’il traîne trop dehors à faire on ne sait quoi avec on ne sait qui, ou qu’il doive sortir pour aller prendre l’air, et mieux encore faire du sport, la chambre polarise les fantasmes d’une réclusion qui n’a rien de monastique… De son origine latine signifiant "verrou, barrière", jusqu’à sa forme métonymique de "lieu clos", la chambre de l’adolescent est le lieu de tous les conflits alimentant la psychopathologie de la vie quotidienne comme celle de ses formes les plus graves. La forme pronominale "se cloîtrer" fait de l’adolescent l’auteur de l’injonction inconsciente à se mettre à l’écart, à l’abri du dehors et de ses sollicitations, lorsque celles-ci menacent de déborder ses capacités de liaison pulsionnelle. Si le repli transitoire peut soutenir, par l’inhibition des fonctions du moi et le repli narcissique, les moyens de traiter les trop fortes tensions d’excitation, il peut tout aussi bien être le prodrome de formes pathologiques graves : ainsi en est-il des troubles des conduites alimentaires, quand la quête d’ascèse signe le refus de la sexualité, ou du syndrome de claustration, dans lequel l’adolescent s’engage dans un enfermement sans fin, ou encore lorsque la chambre constitue le dernier rempart face à des angoisses de persécutions qui sont les premiers signes d’une désorganisation psychotique. Enfermés dans leurs chambres, déscolarisés, pris dans les rets des configurations œdipiennes qui les cloîtrent, figés dans un corps où le masochisme moral ne permet pas l’aménagement d’un masochisme érogène porteur de vie, les figures du "cloîtré" se multiplient. À l’hostilité du dehors, réelle ou imaginaire, répond la promesse fallacieuse d’une omniprésence de l’autre dont les écrans entretiennent l’illusion. Figures de mélancolie et de positions sacrificielles, jusqu’à la claustration transférentielle, où l’analyste, se prenant pour l’un ou l’autre personnage de la vie du patient, ne permet plus, ni la circulation des fantasmes inconscients mouvants, ni la libre association, ni la rêverie.
Se cloîtrer est un traitement du sexuel aux divers destins pulsionnels dont les contributeurs de ce numéro explorent les multiples visages.
Paru dans la revue Revue française de sociologie, vol. 63, tome 3-4, juillet-décembre 2022, pp. 377-416.
Mots clés : Courants de pensée en sciences humaines, Expérience, Adolescent, École, Loisir, Culture, Technologie numérique, Socialisation
Rares jusqu’aux années 2000, les recherches portant sur la socialisation adolescente se sont multipliées depuis, en lien avec les transformations des socialisations familiales et l’avènement des usages numériques. Cet article appréhende l’expérience adolescente à l’école et dans les loisirs. Il analyse les articulations entre ces deux sphères d’activités en insistant sur leur dimension numérique, et identifie les grands axes de différenciation des expériences. Il s’agit ainsi de saisir statistiquement les grandes logiques qui structurent l’expérience adolescente de l’école et des loisirs, à l’origine d’effets socialisateurs, au-delà de la différenciation sociale et genrée. À partir d’une enquête par questionnaire portant sur 3 356 élèves scolarisé·es en classe de 4e, la recherche distingue trois profils d’expériences scolaires et de loisirs articulant culture scolaire, culture « cultivée », culture juvénile et culture numérique. L’analyse met en évidence des types d’intégration ou de marginalisation culturelle, avec des continuités fortes entre expériences scolaires et de loisirs, et représentations de l’avenir. Elle s’attache plus particulièrement à la compréhension d’un profil « en retrait », à la marge des cultures juvéniles et scolaire dominantes.
Paru dans la revue Adolescence, tome 40, vol. 2, n° 110, juillet-septembre 2022, pp. 241-443.
Mots clés : Jeunesse-Adolescence, Adolescent, Technologie numérique, Image, Influence sociale, Réseau social, Sexualité, Technologie de l'information et de la communication, Transfert, Identité, Pornographie, Image du corps, Enseignement, Internet, Culture
La clinique contemporaine présente le patient dans une relation de plus en plus rapprochée à des images, à des figures numériques de soi et à des technologies plus largement. Cette relation a une influence, en particulier à l'adolescence, sur la construction de l'image du corps, de l'identité et des relations sociales. Par ailleurs, cette relation influence, en retour, l'espace de la relation thérapeutique. Pour le comprendre, ce texte présente six nouvelles modalités de transfert.
N. Enkelaar interroge M. Stora, spécialiste des mondes virtuels, sur le rôle des réseaux sociaux dans la construction identitaire des adolescents à partir du livre Réseaux (a)sociaux, publié en 2021. Un dialogue naît autour des idéaux véhiculés par ces réseaux, de leurs paradoxes et de la manière dont ils rencontrent les problématiques adolescentes. Tantôt support, tantôt prison pour l'adolescent en devenir, ce sont ces multiples facettes des réseaux sociaux qui sont ici explorées. Dans le cadre du placement judiciaire d'un enfant/adolescent, l'élaboration d'une mise à distance peut permettre d'éventuels remaniements psychiques chez lui mais aussi au sein de sa famille et amener des modifications concernant sa place symbolique dans la structure familiale. Ce travail psychique spécifique, prenant appui sur une mise à distance physique, se trouve modifié à l'ère du numérique par l'interférence des gradients de présence qu'amènent les possibilités de communication à distance.
Depuis l'émergence du numérique, les représentations classiques de la sexualité se sont déplacées sur la toile. Ainsi, le porno est apparu, avec ses images de plus en plus trafiquées. Aujourd'hui, enfants et adolescents se retrouvent sans filtre face à ces images, parfois traumatiques. Comment les réseaux sociaux traitent-ils ces images pour les protéger ? Quelles sont les évolutions du porno ? Que penser de l'émergence du #porn sur les réseaux, au regard de l'entrée dans le monde adulte ?
Paru dans la revue Thérapie familiale (revue internationale en approche systémique), vol. 35, n° 4, pp. 397-407.
Mots clés : Immigration, Identité, Adolescent, Jeune, Enfant de migrant, Groupe d'appartenance, Valeur sociale, Culture, Identité culturelle, Différence
Dans cet article, j'aborde les problèmes posés par l'émigration chez des jeunes adolescents en quête d'identité. L'adolescent, par ses passages à l'acte, réinterroge l'histoire familiale, ses appartenances et ses loyautés. Il provoque un conflit familial tiraillé entre tradition et modernité, entre un « identique » sécurisant et un « différent » plus angoissant. La famille doit se repositionner dans sa lignée traditionnelle et dans ses transmissions ; sans le « portage » du groupe, elle se sent isolée, démunie. Le jeune vit un sentiment de solitude, interpellant le soignant dans une recherche d'identification, réunissant du « semblable » et du « différent ». La transmission culturelle interroge l'articulation entre le changement et la continuité. Le « préjugé » est nécessaire car il protège de la différence qui fait peur, tandis que le sentiment d'appartenance sécurise tout individu. La fonction du passage à l'acte du jeune repositionne le système dans son histoire. Quelle est la place de l'intervenant dans ces contextes ? comment donner une place égale à la famille, au jeune, au contexte ?
Depuis toujours, le sport est un mobilisateur du lien social, comme il en révèle ses apories. L'origine étymologique de ce terme anglais renvoie au "disport", à l'amusement. Des jeux du cirque aux jeux olympiques, des sphères politiques à celles des finances, le sport relève d'une articulation entre corps social et mise en acte pulsionnelle du corps subjectal. Entre la proie et l'ombre, la professionnalisation des sports les plus populaires a transformé progressivement une modalité d'expression individuelle et/ou groupale en métier ; la performance en est devenue une obligation, oblitérant souvent les aspects les plus ludiques que les amateurs recherchent, encore et encore
Le colloque « Anthropologie de l'adolescence », organisé en 2012 par la revue Adolescence, le Centre d'Etudes en Psychopathologie et Psychanalyse de l'Université Paris-Diderot avec le Collège de France, nous a donnée l'opportunité de relancer le dialogue entre psychanalyse et anthropologie, et d'en rendre compte largement dans ce numéro de la Revue titré « Anthropologie ». « Rencontre de la métapsychologie des psychanalystes et de la métathéorie structurelle formelle des anthropologues » (F. Richard) autour du concept de création du Sujet adolescent se faisant, avec et parmi les autres : subjectalisation, intersubjectalisation. La métamorphose pubertaire, dans son altérité corporelle et psychique, se confronte et compose en interne avec les (re)trouvailles de l'archaïque infantile, de la question des origines, du retour au maternel, du Complexe d'Odipe, de la différence des sexes et des générations, du grand Autre, et en externe avec les représentants actuels de ce passé (notamment les figures parentales avec leurs propres histoires). Rencontre entre « processus pubertaires, leurs incitations fantasmatiques, et processus d'adultité, leurs positions mythiques » développe Philippe Gutton. François Richard travaille ces thèmes et plus précisément la question soulevée entre Odipe et archaïque, subjectivation et différenciation primaire, ce en regard des théories développées par Françoise Héritier sur « l'inceste du deuxième type ». Le débat entre le psychanalyste et l'anthropologue ouvre sur des convergences : inceste du premier type (homosexualité primaire) et du deuxième type (homosexuel indirect) ne seraient pas fondamentalement distincts, mais aussi sur des divergences quant à la notion d'identique au sens anthropologique et d'identification primaire définie par la psychanalyse. La question est posée : parlons-nous du même inconscient, du même Odipe ? Aujourd'hui ce dernier se complexifie, comment le reproblématiser ? Les expériences limites et les pathologies en extériorité signent un échec de l'organisation odipienne et du même coup les structures de parenté sont ébranlées et des formes nouvelles de parentalité se cherchent. A ce propos, Sylvie Faure-Pragier, revisitant « la valeur différentielle des sexes » de François Héritier au travers de l'évolution des modèles de procréation actuels, donne à voir l'émergence d'un nouveau fantasme originaire : le sujet accéderait à la symbolisation plus par « la certitude d'être l'enfant du désir de ses parents que par la mise en ouvre d'un fantasme de scène primitive. Les articles de ce numéro développent le travail de différenciation psychique, de subjectivation, de créativité que l'adolescent effectue avec et en présence de l'autre ; ils témoignent des paradoxes, des achoppements, des impasses qui surgissent tout au long de ce tumultueux parcours. Ces mêmes articles interrogent nécessairement, et en écho, la capacité de l'environnement social, culturel, politique, clinique à recevoir, lier, penser ces processus d'adolescence. Donnons pour exemple, le travail d'élaboration en équipe « d'une épidémie » de scarifications d'adolescents dans une institution, l'analyse de la langue des jeunes immigrés, la question du genre (affaire culturelle et politique)_ Ces instances sont-elles capables d'étayer la différenciation subjectale de la façon suffisamment bonne, de soutenir l'adolescent dans sa créativité, dans son statut émergent de sujet acteur de la collectivité ?
Entre du je, du nous et « on », anthropologues et psychanalystes ont encore beaucoup à inventer, co-créer autour de l'adolescence. [présentation de l'éditeur]
Les changements sociétaux du XXe siècle ont amené un focus sur l'épanouissement individuel, bousculant en cela les formes d'organisation familiale traditionnelle (Khan, 2009). Nous étudions ici les répercussions de cet individualisme sur une famille lors de l'autonomisation de la cadette aux prises avec deux codes culturels antagonistes. Plus précisément, nous nous intéressons à l'utilité de la résonance comme levier thérapeutique pour comprendre les enjeux dans cette famille. Prendre en compte le vécu émotionnel au cours du travail thérapeutique nous a permis de découvrir le thème commun sur lequel vibrait chacun des membres de la famille et la configuration dysfonctionnelle que nous étions en train de renforcer en rejouant avec eux un scénario stérile. Grâce à ce constat, nous avons pu rééquilibrer nos alliances pour permettre à chacun de sortir du rôle dans lequel il était figé et, ainsi, leur offrir la possibilité d'écrire un nouveau scénario.